L’affaire Druet vs Cattelan : l’art est-il un travail ?
Depuis mai dernier, le procès opposant les artistes Daniel Druet et Maurizio Cattelan a été largement médiatisé. Si l’affaire se présente comme un cas exemplaire, c’est parce qu’elle oppose deux figures antithétiques, « l’artiste contemporain » à la renommée internationale, qui défend une posture dilettante, et « l’artiste-artisan » qui revendique un savoir-faire traditionnel. Le débat que l’affaire a suscité porte généralement sur la question de l’auteur de l’œuvre : est-ce la personne qui en a eu l’idée ou celle qui l’a réalisée ? Mais ce vieux débat s’inscrit dans un contexte particulier qui en rebat les cartes et devrait nous inciter à éviter tout choix binaire. Dans cet article, je voudrais replacer l’affaire dans un contexte où la frontière entre l’art et l’artisanat, et le travail en général, est interrogée par les artistes et les chercheur·ses, qui développent depuis quelques années des approches politiques et ethnographiques des pratiques artistiques contemporaines.

Résumé de l’affaire
Depuis un article de Pascale Nivelle dans M Le Magazine du Monde daté du 1er mai 2022, le monde de l’art contemporain français est secoué par une affaire qui oppose deux artistes. D’un côté, le célèbre artiste italien Maurizio Cattelan (né en 1960), représenté par la galerie Emmanuel Perrotin à Paris. De l’autre, un artiste français beaucoup moins connu, Daniel Druet. Né en 1941, ce dernier est un sculpteur formé à l’École des beaux-arts de Paris dans les années 1960, lauréat du prix de Rome en 1967 et en 1968, la plus haute récompense des institutions françaises dans les arts visuels, héritée du système de l’Académie, qui sera abolie par Malraux dans le sillage des événements de Mai 68.
Autant dire que Druet représente un artiste à l’ancienne, qui a reçu une formation académique et qui fabrique lui-même ses pièces dans son atelier de la banlieue parisienne. Il s’est spécialisé ensuite dans l’art sur commande, notamment des portraits en buste très réalistes. À parti