Technologie

La technologie 5G a été imposée sans débat démocratique

Chercheur en écologie politique

Le déploiement de la 5G sur le territoire français est un processus long et multiforme, orchestré par l’État. Décriée pour son impact écologique, la question des risques sanitaires de la 5G est à ce jour bien moins comprise. La posture de l’apprenti sorcier, au lieu de la maîtrise rationnelle, révèle un besoin de davantage de réflexion et de décision démocratique sur l’influence des technologies sur nos vies.

À l’automne 2020, la France autorisait le déploiement des antennes 5G, malgré les controverses et les protestations. La Convention citoyenne pour le climat avait pourtant demandé auparavant d’« instaurer un moratoire sur la mise en place de la 5G en attendant les résultats de l’évaluation de la 5G sur la santé et le climat ». Le sociologue Dominique Boullier dénonçait par ailleurs la tyrannie du retard tenant lieu de stratégie industrielle (le passage à la 5G serait incontournable et critique pour la position de la France dans la compétition internationale), ainsi que le manque de cohérence dans les arguments avancés pour le déploiement de la 5G, qui recouvre en fait une diversité de technologies et d’usages possibles. Un an et demi après, où en est-on ?

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Tout d’abord, il faut bien rappeler que le déploiement de la 5G est un processus à la fois très long et multiforme, et qu’il est organisé par l’État. La page d’accueil de la 5G de l’Agence nationale des fréquences (ANFR) indique que ce n’est qu’en 2030 que 100 % du réseau français devra suivre la norme 5G (c’est-à-dire à l’époque où on prévoit déjà la 6G… tout comme la 5G a commencé à se déployer avant d’avoir fini de couvrir le territoire en 4G). C’est donc bien l’État qui pousse légalement à la 5G, et pas seulement les opérateurs téléphoniques. Un droit de regard et de discussion de la part des citoyen·nes est donc encore bienvenu : il n’est pas trop tard.

D’autre part, la 5G, ce n’est pas que la téléphonie mobile. Il existe plusieurs 5G, c’est-à-dire à la fois plusieurs bandes de fréquences utilisées et des usages possibles très différents, mais qui tous suivent le même standard de transfert d’information, c’est-à-dire un ensemble de normes définies au niveau international sous le label 5G[1]. L’originalité de ce standard est d’être très large, incluant la téléphonie par satellite ou les communications entre objets. À l’évidence, toutes ces potentialités « 5G » sont encore loin d’être développées, même


[1] Les standards sont définis par un consortium d’organisations de téléphonie, « The 3rd Generation Partnership Project » (3GPP). Le standard considéré comme « mature » pour la 5G est le « release 17 » et n’a été finalisé qu’au printemps 2022, avec notamment l’inclusion de la téléphonie satellitaire, tandis qu’un standard de « 5G advanced », le « release 18 », est prévu pour 2023 avec des évolutions dans les domaines de l’intelligence artificielle et de la réalité augmentée.

[2] Comme nous en informe l’ANFR : la bande millimétrique « servira surtout à des usages très ciblés (grands évènements, usages industriels) dans des zones bien identifiées ».

[3] Le rapport indiquait, p. 155-156 : « Il ne paraît pas possible, à l’heure actuelle, d’extrapoler des résultats d’études scientifiques à des fréquences différentes, même proches, pour en tirer des conclusions sur les effets biologiques, physiologiques et a fortiori sanitaires éventuels dans la bande 3,5 GHz voire 700 MHz, très peu étudiée également. »

[4] Des explications détaillées et accessibles sont l’objet du chapitre 6 de Débrancher la 5G ?.

[5] C’est pourtant ce qu’a fait l’ANFR en comparant l’exposition aux champs électromagnétiques avant et après installation des antennes 5G, alors que les téléphones 5G sont encore peu utilisés.

[6] Recours déposé par le collectif « L’Affaire du siècle », qui a récolté le soutien de 2,3 millions de signatures. Le jugement précise que « l’État a jusqu’au 31 décembre 2022 pour réparer le préjudice écologique qu’il a lui-même causé par le non-respect de ses engagements ».

Jean-Michel Hupé

Chercheur en écologie politique, Membre du laboratoire FRAMESPA de l'Université de Toulouse Jean Jaurès et du collectif multidisciplinaire « l'Atelier d'écologie politique » (Atécopol)

Notes

[1] Les standards sont définis par un consortium d’organisations de téléphonie, « The 3rd Generation Partnership Project » (3GPP). Le standard considéré comme « mature » pour la 5G est le « release 17 » et n’a été finalisé qu’au printemps 2022, avec notamment l’inclusion de la téléphonie satellitaire, tandis qu’un standard de « 5G advanced », le « release 18 », est prévu pour 2023 avec des évolutions dans les domaines de l’intelligence artificielle et de la réalité augmentée.

[2] Comme nous en informe l’ANFR : la bande millimétrique « servira surtout à des usages très ciblés (grands évènements, usages industriels) dans des zones bien identifiées ».

[3] Le rapport indiquait, p. 155-156 : « Il ne paraît pas possible, à l’heure actuelle, d’extrapoler des résultats d’études scientifiques à des fréquences différentes, même proches, pour en tirer des conclusions sur les effets biologiques, physiologiques et a fortiori sanitaires éventuels dans la bande 3,5 GHz voire 700 MHz, très peu étudiée également. »

[4] Des explications détaillées et accessibles sont l’objet du chapitre 6 de Débrancher la 5G ?.

[5] C’est pourtant ce qu’a fait l’ANFR en comparant l’exposition aux champs électromagnétiques avant et après installation des antennes 5G, alors que les téléphones 5G sont encore peu utilisés.

[6] Recours déposé par le collectif « L’Affaire du siècle », qui a récolté le soutien de 2,3 millions de signatures. Le jugement précise que « l’État a jusqu’au 31 décembre 2022 pour réparer le préjudice écologique qu’il a lui-même causé par le non-respect de ses engagements ».