La lecture est une aventure !
Il est courant que les sites d’information, newsletters et autres revues de presse indiquent, en marge des textes qu’ils proposent, le temps de lecture correspondant. C’est souvent perçu comme une marque de professionnalisme et de respect à l’égard du lecteur. On remarquera pourtant que cela revient à postuler que la durée de lecture est la même pour tous, ce qui peut sembler douteux.

À cet égard, écartons l’argument de l’inégale « compétence » à lire, qui permet à certains de décrypter plus vite les signes sur les pages. Retenons plutôt celui de la subjectivité : en fonction du thème et du style, le goût des uns les conduit à survoler certains passages et à s’appesantir sur d’autres, dans des conditions qui varient avec les personnes. Une nouvelle objection se présente alors : il est concevable – allez savoir ! – qu’un algorithme ait établi qu’en moyenne, un texte de tant de signes est lu en tant de minutes, si bien que, statistiquement, l’indication ne serait pas fausse. Sous cet angle, l’indication du temps de lecture apparaît comme une sorte de conseil de prudence au lecteur : « Franchissant ce seuil, vous vous aventurez pour X minutes, mais pas plus ! ». C’est ce rapport vaguement craintif à la lecture, inquiet de perdre le contrôle, qui ne peut manquer d’intriguer.
L’impatience du lecteur
De nos jours, le temps manque, l’urgence prédomine et l’impatience gouverne : c’est la marque de l’époque. Au moment de se consacrer à la lecture, chacun traite donc l’attention qu’il lui accorde avec une extrême parcimonie : pas de temps à perdre, il faut aller droit au but ! Cela devrait inciter pourtant à réfléchir à la question avec davantage de recul. Au lieu de « gérer » son temps de lecture au chronomètre et de la standardiser, s’ensuivraient des considérations plus qualitatives. D’une littérature à l’autre, le rapport au texte n’est pas le même : un compte rendu de réunion ne demande pas le même rythme que la lecture de la presse quotidienne, d’un article de