Société

L’obsolescence du handicap : pour aller au-delà de l’injonction inclusive

Psychologue

La tenue cette semaine au Havre des Assises nationales du bien vieillir offre l’occasion de s’interroger sur la notion d’inclusion. La véritable inclusion ne réside-t-elle pas, en effet, dans les relations humaines et la confiance accordée à celles-ci ? Une inclusion garantie à tous passant notamment par une redéfinition du care en abordant de façon holistique la personne dans son intégralité pour guider les pratiques d’accompagnement dans les établissements sociaux et médico-sociaux.

Peut-on imposer l’inclusion sociale ou s’impose-t-elle socialement d’elle-même ? La publication récente de l’ouvrage, S’affranchir du concept de handicap : critique constructive d’une notion obsolète, interroge cette notion dans ses acceptions institutionnelles et médico-sociales. Car « si certains souffrent d’être malades et relèvent assurément de la médecine, d’autres sont malades de souffrir et leur orientation vers des lieux de soins classiques est plus discutable »[1]. L’inclusion pourrait remédier à cette souffrance, mais paradoxalement, sa racine latine (inclusio) renvoie à l’enfermement : « Que ce terme soit utilisé pour chanter les louanges d’une société ouverte et tolérante laisse songeur »[2].

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L’inclusion garantit à tous, sans distinction aucune, des conditions sociétales, sociales, d’accessibilité et d’usage équitables. Elle s’applique à l’ensemble des domaines de la société, et les pouvoirs publics en ont fait leur sacerdoce en réponse à l’exclusion sociale : celle des personnes marginalisées par leur situation (précarité) ou leur état de santé (handicap, vulnérabilité, dépendance) et ne correspondant pas au modèle dominant.

À l’instar des politiques publiques, les institutions de l’éducation, de la santé et de l’insertion sont particulièrement concernées par l’approche inclusive mais l’application de ses préceptes génère parfois des débats houleux. En septembre 2022, le Comité des droits des personnes handicapées du Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme de l’ONU a publié les résultats d’une enquête incluant 500 personnes institutionnalisées. Les conditions d’institutionnalisation dans les établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS) sont jugées inacceptables pour l’accueil des personnes en situation de handicap ou de vulnérabilité : elles entravent le pouvoir d’agir et de choisir des résidents, leur imposent de partager leur lieu de vie avec d’autres personnes, des routines rigide indépendamment de la volontés et des préférences personne


[1] Maisondieu, J. (2018). Le crépuscule de la raison. Bayard.

[2] Weil-Dubucq, P-L. (2018). « Arrêtons avec la société inclusive : parlons de non-exclusion. » Socialter

[3] La Prestation Spécifique Dépendance des personnes de plus de 60 ans, régie par la loi de janvier 1997 mesure par exemple le degré de dépendance au moyen de la grille AGGIR, donnant lieux à 6 classes en fonction de 10 variables discriminantes. Cette gradation déterminera l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA) dont le solde, additionné à l’estimation des besoins médicaux (PATHOS), servira de base de calcul pour encadrer l’aide humaine et technique nécessaire à une personne âgée en situation de dépendance.

[4] Garrau, M. et Le Goff, A (2010). Care, justice et dépendance : introduction aux théories du Care. Paris : PUF. (p.25 ; p.7).

[5] Ennuyer, B. (2004). Les malentendus de la dépendance. De l’incapacité au lien social. Paris : Dunod.

[6] Fleury, C & Fenoglio, A. (2022). Ce qui ne peut être volé : charte du Verstohlen. Collection Tracts, Gallimard. (p.9).

[7] Héritier, F. (2017). Le sel de la vie. Odile Jacob.

Kevin Charras

Psychologue , Docteur en psychologie, directeur et co-fondateur du Living Lab Vieillissement et Vulnérabilités, CHU de Rennes.

Notes

[1] Maisondieu, J. (2018). Le crépuscule de la raison. Bayard.

[2] Weil-Dubucq, P-L. (2018). « Arrêtons avec la société inclusive : parlons de non-exclusion. » Socialter

[3] La Prestation Spécifique Dépendance des personnes de plus de 60 ans, régie par la loi de janvier 1997 mesure par exemple le degré de dépendance au moyen de la grille AGGIR, donnant lieux à 6 classes en fonction de 10 variables discriminantes. Cette gradation déterminera l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA) dont le solde, additionné à l’estimation des besoins médicaux (PATHOS), servira de base de calcul pour encadrer l’aide humaine et technique nécessaire à une personne âgée en situation de dépendance.

[4] Garrau, M. et Le Goff, A (2010). Care, justice et dépendance : introduction aux théories du Care. Paris : PUF. (p.25 ; p.7).

[5] Ennuyer, B. (2004). Les malentendus de la dépendance. De l’incapacité au lien social. Paris : Dunod.

[6] Fleury, C & Fenoglio, A. (2022). Ce qui ne peut être volé : charte du Verstohlen. Collection Tracts, Gallimard. (p.9).

[7] Héritier, F. (2017). Le sel de la vie. Odile Jacob.