Société

La laïcité, un principe abîmé par celles et ceux qui en font commerce

Ancien président de l’Observatoire de la laïcité, Ancien rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité

La concomitance de la création du « fonds Marianne » en 2021 et de la suppression de l’Observatoire de la laïcité la même année interroge et laisse dubitatif sur la place que tient aujourd’hui la question de la laïcité dans les politiques publiques gouvernementales. Outil pour diffuser des idées réactionnaires ? Commerce de la laïcité ? Cette dernière apparaît de plus en plus comme un camouflage idéologique pouvant rapporter, comme on le voit, de la plus sordide des manières, de l’argent.

Le 14 avril dernier, nous avons appris la saisine de la justice après que des enquêtes journalistiques aient révélé une utilisation suspecte des subventions allouées à la lutte contre le séparatisme dans le cadre du « fonds Marianne », créé par l’ancienne secrétaire d’État à la Citoyenneté et le CIPDR[1] à la suite de l’assassinat de Samuel Paty.

 

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Ainsi, il a été révélé que deux associations ont reçu, à elles deux, près de 700 000 euros de subventions publiques pour, au regard des investigations menées par les journalistes, produire quelques vidéos et posts sur les réseaux sociaux qui, pour la plupart, défendaient la ligne idéologique d’une nouvelle laïcité et d’un républicanisme étroit.

La justice aura sans doute à se prononcer pour savoir s’il y a ainsi eu instrumentalisation d’un crime abject pour financer, au prétexte d’une action contre le séparatisme, une action militante.

Mais la corrélation entre la création de ce fonds en 2021 et la suppression de l’Observatoire de la laïcité la même année interroge. Ainsi on ne peut pas ne pas noter que les deux associations en question, ou certains de leurs membres et intervenants, ont tenu des propos très durs à l’encontre de l’Observatoire (comme ils en ont tenu de très durs à l’encontre de militants antiracistes ou d’institutions comme le Conseil de l’Europe ou l’Union européenne), appelant parfois à sa suppression ou, celle-ci étant finalement actée, s’en réjouissant.

Quoi qu’en disent ses membres actuels, nous retrouvons dans les publications de ces associations des adhérents, anciens adhérents ou sympathisants du mouvement politique « Le printemps républicain ». Ce mouvement créé en 2016 par d’anciens proches du Premier ministre de l’époque, Manuel Valls, et dont l’un des premiers objectifs assumés était d’avoir la « tête de Bianco et Cadène [alors président et rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité] en haut d’une pique[2] », a été lancé via un média considéré comme réactionnaire[3], ce qui de


[1] Comité interministériel à la prévention de la délinquance et de la radicalisation.

[2] Extrait de l’article revenant sur une première rencontre du Printemps républicain, rédigé par le journaliste Marc Cohen et paru dans le magazine Causeur, le 16 mars 2016.

[3] Le magazine Causeur, lancé en 2007, est classé à droite ou à l’extrême droite selon les médias et se revendique anticonformiste et réactionnaire.

[4] À l’exception de 2 avis adoptés à une large majorité, tous les avis (nombreux) de l’Observatoire de la laïcité ont été adoptés à l’unanimité, par consensus.

[5] Actions qui, pour certaines, diffusaient des erreurs d’interprétation manifeste du principe de laïcité.

Jean-Louis Bianco

Ancien président de l’Observatoire de la laïcité, Conseiller d’État honoraire, ancien ministre

Nicolas Cadène

Ancien rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité, Membre de l’Académie de Nîmes

Mots-clés

Laïcité

Notes

[1] Comité interministériel à la prévention de la délinquance et de la radicalisation.

[2] Extrait de l’article revenant sur une première rencontre du Printemps républicain, rédigé par le journaliste Marc Cohen et paru dans le magazine Causeur, le 16 mars 2016.

[3] Le magazine Causeur, lancé en 2007, est classé à droite ou à l’extrême droite selon les médias et se revendique anticonformiste et réactionnaire.

[4] À l’exception de 2 avis adoptés à une large majorité, tous les avis (nombreux) de l’Observatoire de la laïcité ont été adoptés à l’unanimité, par consensus.

[5] Actions qui, pour certaines, diffusaient des erreurs d’interprétation manifeste du principe de laïcité.