La mémoire sélective de l’extrême droite
Trois événements récemment survenus entre 2022 et 2023 sont des indicateurs particulièrement signifiants de la façon dont, aujourd’hui, les mémoires historiques de la Seconde Guerre mondiale et de la Shoah peuvent aisément servir les visées d’acteurs politiques d’extrême droite, notamment en France et en Italie.

Que les mémoires historiques soient instrumentalisables et régulièrement instrumentalisées, rien de nouveau, qu’une défaite puisse être retournée en victoire, cela s’est déjà vu. Mais que la mémoire du génocide des Juifs telle qu’elle a été reconnue et progressivement instituée comme telle depuis une trentaine d’années en vienne à servir de faire-valoir à ceux qui, même lointainement, sont affiliés aux criminels, là un nouveau processus est enclenché. Un processus qui demande à être pensé – que ce papier, au moins, y incite !
Les événements que je vais rapporter concernent des déclarations, d’abord, de Giorgia Meloni, ensuite, Serge Klarsfeld à propos d’une rencontre avec Louis Aliot et, enfin, du président de l’ANACR (Association nationale des anciens combattants et amis de la Résistance) dans une lettre d’information de cette association. Ils sont tous trois travaillés par d’inquiétantes logiques qui paraissent à la fois historiquement très distinctes et politiquement convergentes. Pour les interroger, je me livrerai ici à un démontage qui met en parallèle des séquences où des acteurs politiques se retrouvent à s’engager, chacun à sa façon, sur une scène publique mémorielle caractérisée par des valeurs humanistes de justice, alors que ces mêmes acteurs politiques, au même moment, prennent ou cautionnent ouvertement des décisions de ségrégation et d’exclusion.
À partir du vendredi 17 mars a circulé dans les médias l’information selon laquelle Giorgia Meloni, élue le 22 octobre 2022 à la tête du gouvernement italien, a confirmé la promesse faite un mois auparavant par son ministre de la Culture de construire un musée de la Shoah à Rome, non loin du