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Israël : fin de règne, fin du rêve ?

Historien et sociologue

Malgré de profondes divisions, la lutte pour une démocratie, même imparfaite, et contre le « coup d’État judiciaire » du gouvernement Nétanyahou agite Israël depuis maintenant plus de six mois. Mais quid du combat contre l’occupation et de la place des « Arabes israéliens » ? Pour la gauche anti-occupation, rendre justice aux Palestiniens, depuis l’intérieur des territoires, serait le meilleur moyen de restaurer une véritable démocratie.

Comment comprendre le massif et durable mouvement de protestation contre les réformes que le gouvernement Netanyahou s’efforce de mettre en œuvre, depuis le retour au pouvoir du chef du Likoud aux élections du 1er novembre 2022, qui ont donné naissance au gouvernement le plus à droite de l’histoire du pays ?

Le 26 août, on en était au 34e samedi consécutif de manifestations qui ont parfois rassemblé jusqu’à 100 000 personnes rue Kaplan, « capitale » de la révolte, au centre de Tel Aviv, et le même nombre dans le reste du pays, sur les grand-places, aux carrefours. Du jamais vu, même en Israël où l’on manifeste beaucoup et pour les raisons les plus variées. Il faudrait citer aussi les tentatives pour bloquer le principal aéroport du pays, les manifestations devant la Knesset, l’une précédée par une longue marche vers Jérusalem, les sit-in devant les domiciles des ministres de la coalition que l’on brocarde copieusement…

Autre nouveauté : les régimes occidentaux traditionnellement alliés d’Israël, à part des critiques récurrentes mais limitées de l’occupation, ont pris parti contre le gouvernement. Même les États-Unis, l’allié traditionnel dont la sécurité d’Israël dépend étroitement, ont élevé la voix, jusqu’au président Biden, l’un des plus pro-israéliens de son parti : après avoir appelé comme tant d’autres à un compromis entre gouvernement et opposition, il a fini par demander à Netanyahou de mettre un terme à la réforme judiciaire. D’anciens ambassadeurs américains en Israël, des éditorialistes prestigieux, questionnent l’avenir de l’aide militaire à l’État hébreu. Et l’opinion publique suit, au moins les jeunes électeurs et les électeurs démocrates, qui pour la première fois soutiennent plus les Palestiniens que les Israéliens. Le Congrès, toutefois, reste solidement pro-israélien, à part la minorité de la gauche démocrate.

Ce soutien pour l’opposition va paradoxalement de pair avec une forme d’éloge du pays : les médias occidentaux, y compris les médias de gau


[1] Zakaria Fareed, « De la démocratie illibérale », Le Débat, vol. 99, no. 2, 1998, pp. 17-26.

Jérôme Bourdon

Historien et sociologue, professeur au département de communications de l’Université de Tel Aviv

Notes

[1] Zakaria Fareed, « De la démocratie illibérale », Le Débat, vol. 99, no. 2, 1998, pp. 17-26.