La fonction iconique du réfugié
Après l’afflux de milliers de migrants à Lampedusa, les interventions du Pape François à Marseille ont placé l’accueil des réfugiés au centre de l’actualité médiatique. Mais la figure du réfugié occupe depuis 2010 une place centrale dans l’imaginaire collectif dont témoigne la pléthore d’images de réfugiés sur nos écrans. Refoulé aux frontières, massé dans les camps et les hotspots, embarqué sur des embarcations de fortune, le réfugié obsède l’imaginaire occidental.

Ce « débordement » d’images conforte l’idée sous-jacente d’une submersion migratoire. Sans doute sommes-nous davantage exposés aux images qu’aux réfugiés eux-mêmes. Il suffit de faire une banale recherche sur Internet pour voir surgir des centaines de milliers, des millions d’images de réfugiés dans le monde. Il n’y a pas de sujet plus « photogénique » dirait-on. Là où 4 millions de réfugiés ukrainiens sont passés inaperçus, quelques milliers de migrants en détresse menaceraient l’Europe d’un tsunami migratoire. La différence entre ces deux types de migrations n’est pas seulement culturelle (européens/non européens) elle tient à l’abondance des images et à l’effet de focalisation des arrivées à Lampedusa. Mais surtout ces deux migrations n’occupent pas la même place dans le récit que tient l’Europe sur elle-même. Dans un cas (la guerre en Ukraine) les réfugiés sont les victimes de l’invasion russe dans l’autre cas ils sont l’invasion elle-même.
La petite île de Lampedusa, poste avancé de l’Europe en Méditerranée, est devenue une scène où se joue ad nauseam le spectacle d’une submersion. Le champ lexical utilisé par la droite et l’extrême-droite accrédite l’idée d’une inondation (« un continent se déverse sur l’autre » selon le parti Reconquête), un substitut aquatique de la métaphore du grand remplacement. Cette rhétorique gomme les identités et la singularité des parcours et les agglomère en une masse anonyme et liquide, un déferlement. Elle procède à un retournement rhétorique : ce ne sont p