Ascension de l’extrême droite, déclin de la gauche : la complication démocratique
La montée en puissance de l’extrême droite ou de l’autoritarisme est tellement évidente désormais qu’il n’est plus utile de l’illustrer[1]. Elle n’est pas inévitable[2] comme l’attestent les élections de Joe Biden contre Donald Trump, de Lula contre Bolsonaro ou, tout récemment, la défaite électorale du PiS en Pologne. Mais elle a une fâcheuse tendance à se répandre comme une traînée de poudre, notamment en raison d’un basculement de plus en plus fréquent de la droite dans l’extrême droite comme on peut le voir avec l’exemple des Républicains aux USA ou de Benyamin Netanyahou en Israël. Cette montée s’explique par tout un ensemble de facteurs bien identifiés par les analystes politiques. Il m’a semblé cependant qu’on ne pouvait la comprendre en profondeur qu’en prenant une certaine perspective historique, en montrant comment elle s’inscrit dans le cadre des contradictions inhérentes à l’idéal démocratique, d’une part, et au regard des expériences totalitaires du XXe siècle, de l’autre.

Nous nous voulons ou nous nous disons tous démocrates, même la droite extrême désormais. Mais comment l’entendre ? Une définition synthétique de la démocratie pourrait être celle-ci : un régime social et politique fondé en droit sur le pouvoir du peuple au nom d’un idéal de liberté et d’égalité. Cette définition minimale laisse apparaître aussitôt au moins trois séries de tensions ou de contradictions possibles.
1. Le peuple, dont toute légitimité procède théoriquement en démocratie (puisque, étymologiquement, le mot signifie le pouvoir du peuple), est-il restreint et fermé, ou bien étendu et ouvert ? Restreint aux seuls propriétaires, comme au début du XIXe siècle en France avec le suffrage censitaire, ou aux hommes comme ça a été le cas en France jusqu’en 1945 ? Ou restreint encore aux autochtones (demos), à la race, aux nationaux ? Ou bien est-il tendanciellement ouvert à tous, au plus grand nombre, jusqu’aux frontières de l’humanité tout entière ? Mais le mot peuple dési