Le 7 octobre et sa part mémorielle
Parmi les réactions publiques déclenchées par les attentats du 7 octobre, il est très fréquemment fait référence à des périodes ou à des événements historiques pourvus d’un sens mémoriel fort.
D’un côté, la volonté exterminatrice dont des civils israéliens ont été la cible à l’intérieur de leur frontière nationale est associée à un pogrom ou au génocide des Juifs perpétré par les nazis, d’autant que la volonté des groupes islamistes en question est de faire disparaître Israël. De l’autre, la puissance des moyens utilisés pour neutraliser les factions armées implantées dans un territoire peuplé de plus de 2 000 000 d’habitants se trouvant, de facto, au cœur des affrontements, est dénoncée par quantité de prises de parole véhiculant également leur lot de renvois au passé. « Génocide », retourné cette fois contre Israël, « nazi », « fasciste », « colonisation », « apartheid » comptent parmi les termes les plus souvent avancés.
Or, tout se passe comme si la violence sidérante des événements empêchait la plupart du temps de s’interroger sur les énoncés en tant que tels qui alimentent cette véritable scène publique où il est débattu, au jour le jour, du 7 octobre et de ses suites, et dans laquelle l’histoire et la mémoire tiennent une place centrale, à la fois référentielle et argumentative. On va dire ce sont ou ce ne sont pas des « nazis » ; c’est ou ce n’est pas un « génocide » ; « voilà un régime d’apartheid », sans recourir à cette autoréflexivité minimale qui permet de se distancier de ce dont on parle – ou de discerner ce qui vient parler à travers soi. Voilà l’intention que ce texte essaie de développer sans prétendre, eu égard au foisonnement des dits et des dires, livrer une analyse accomplie ; voilà l’ouverture qu’il propose pour visiter cette scène discursive.
Commencer d’évaluer la part que ces références appartenant à une culture mémorielle commune ont dans notre relation à ces événements sans précédent s’impose. De quel contexte ces mots sortent-ils, sont-ils sortis ? Quelles fonctions leur fait-on remplir ? Leurs usages après le 7 octobre indiquent-il de réels changements dans la formulation des antagonismes israélo-palestiniens ? Ce sont là quelques pistes que ce texte essaie de dégager.
La duplicité de « génocide »
De la rue – sur des banderoles à Harvard, Londres, Berlin ou Paris… – jusqu’aux textes d’intellectuels dont les titres et positions laissent croire en l’objectivité, « génocide » n’a cessé d’être avancé et répété pour désigner ce que subit la population gazaouie. Cela provoque une réaction confusionniste en chaîne à trois niveaux. Premièrement, les Juifs, les Israéliens, Israël et le gouvernement Netanyahou tendent à être stigmatisés en un même amalgame servant, en cela, la cause du Hamas.
Deuxièmement, il résulte de cette confusion que les crimes du 7 octobre perdent de plus en plus de visibilité, de même que le Hamas qui reste une entité abstraite, hors-scène pour la plupart d’entre nous. À qui, par exemple, viendrait à l’idée d’interpeller le Hamas et de lui demander sa reddition pour épargner la population gazaouie ? La polarisation se fait sur le binôme composé de la population de « Gaza », indubitablement souffrante, et d’« Israël » dans le rôle du persécuteur. Plus la population gazaouie souffrira, plus, le Hamas le sait bien, l’opinion se retournera contre l’entité « Israël ». Par voie de conséquences, les otages sont de moins en moins présents dans le discours social. Combien d’affiches les représentant ont-elles été arrachées sur les murs de nos villes ?
Cela n’est aucunement pour minimiser les violences que subissent les Gazaouis dans ce conflit, ni pour éviter de parler du fanatisme de l’ultradroite israélienne dont dépend Netanyahou pour être encore en place, mais pour faire le point sur le troisième niveau de confusion qu’agrège « génocide ».
« Génocide » est un mot-clé auquel est indexé la survisibilité négative d’Israël (et l’invisibilisation du Hamas dans les consciences publiques). Il est retourné terme à terme contre les Juifs alors qu’ils ont été historiquement victimes de la Shoah et que la fondation d’Israël tire une partie de sa légitimité de donner aux Juifs une terre contre l’antisémitisme. Tous, y compris les victimes de l’extermination du 7 octobre, se retrouvent assimilés à une entité taxée de génocidaire.
On ne s’attache pas assez à interroger les logiques qui président aux usages de tels mots-clés traitant notre rapport moral aux violences extrêmes. Que les facilités de leur emploi touchent trop de locuteurs pour que ceux-ci ne se sentent pas eux-mêmes pris en flagrant délit de mésusage est peut-être une des raisons de ce manque d’autoréflexivité critique. Cyril Lemieux invitait à raison dans les colonnes de ce même journal à « déjouer le piège des mots qui nous viennent trop naturellement à l’esprit ». Précisément, l’usage de « génocide » paraît tellement surgir naturellement dans les esprits que l’on doit interroger ce qui en fait une véritable arme verbale dont la force performative prime sur la compétence du concept juridique.
C’est que « génocide » a une double nature. Reconnu en 1948 à partir du travail d’élaboration juridique de Raphael Lemkin, il permet de qualifier rigoureusement un crime politique visant à l’anéantissement d’un groupe avec sa culture. En cela, il est pourvu d’une remarquable capacité heuristique pour caractériser des crimes que d’autres catégories juridiques ne permettaient pas de cerner suffisamment.
Mais, inversement, il est aussi un lieu commun, c’est-à-dire un énoncé passant pour une « vérité première » que de nombreux acteurs s’approprient sans que sa pertinence soit remise en cause, malgré ses mésusages chroniques. Je n’en ferai pas ici la liste des occurrences, mais de l’expulsion des Grecs par les Turcs en 1920, jusqu’à l’assassinat de femmes autochtones au Canada[1], le terme est régulièrement avancé y compris par les antispécistes pour dénoncer les violences commises sur les animaux. À être trop employé, le terme voit sa justesse diluée tout en étant requis pour son pouvoir d’interpellation.
Car, en effet, il sert d’avertisseur au cas où… Sa charge émotive capte l’attention, plantant dans l’imagination comme un témoin incandescent. Et cela, d’autant que les génocides avérés n’ont été reconnus qu’après avoir été perpétrés (Arméniens, Juifs, Khmers, Tutsis, Bosniaques) et que de nombreuses violences extrêmes demeurent non reconnues à hauteur des présomptions génocidaires pesant sur leurs responsables.
Ainsi, la question de l’indifférence imprègne d’une culpabilité potentielle la conscience morale occidentale contemporaine. « On n’a pas voulu savoir », « on n’a pas voulu entendre ». Mais il est aussi un pivot dont l’usage littéral et acritique – le propre du lieu commun – a servi des causes partisanes ou révisionnistes. C’est là, alliée à sa force, toute son ambiguïté, dès lors que, sortant du domaine du droit, il entre sur une scène discursive hautement subjectivée comme peuvent l’être les violences extrêmes, scène sur laquelle, pour vraiment exister, il faut prendre position et la défendre à coup de déclaration.
Le 29 décembre 2023, l’État sud-africain dépose une requête devant la Cour internationale de justice (CIJ) accusant Israël de se livrer à des « actes de génocide contre le peuple palestinien à Gaza ». Par-là, non seulement il s’affirme en leader des causes anticoloniales dont les enjeux sont polarisés par le conflit israélo-palestinien (je reviens sur cet aspect plus bas), mais il mise stratégiquement sur l’effet que provoque l’accusation de « crime absolu » sous-tendu par cet autre lieu commun suivant lequel les victimes d’hier (en l’occurrence celles de la Shoah) seraient les bourreaux d’aujourd’hui.
Le 26 janvier 2024, la CIJ reconnaît l’urgence humanitaire à laquelle est exposée la population gazaouie et le risque génocidaire qu’elle encourt, et enjoint donc l’État d’Israël de parer à tout aggravation de la sorte, dont il sera responsable devant la communauté internationale. Au niveau de la réalité du terrain, il est certain que cette « alerte maximale » est salutaire, d’autant que les extrémistes de l’ultradroite israélienne sont animés par des intentions criminelles de la plus haute gravité. Toutefois, au niveau des prises de position militante et de la circulation des discours sur la scène internationale, il ne faut pas négliger combien cela renforce la stigmatisation d’Israël et des Juifs, et leur amalgame en une entité négative, sans nuance, confortant les partis pris radicaux des portes parole du « Sud global ».
Enfermement des références mémorielles
« Génocide » n’est pas le seul mot à circuler ainsi, d’autres sont également duplices et leur usage confondant. « Nazi », par exemple, appartient à la culture occidentale, sinon mondiale, puisque c’est un des termes qu’a avancé Poutine pour justifier sa guerre d’agression contre l’Ukraine, mais il faut aussi rappeler que sa pratique a, avec « Hitler », une longue histoire en Israël, qu’il est un leitmotiv régulièrement mobilisé lors de polémiques intérieures ou pour qualifier un adversaire extérieur (« Arafat = Hitler » ; « Saddam Hussein-Hitler »).
Or, c’est aussi très régulièrement que « nazi » est retourné contre Israël qui s’en voit affublé faisant, entend-on, aux Palestiniens ce que le régime hitlérien a commis sur les Juifs. De façon à peine allusive, Didier Fassin, dans son article « Le spectre d’un génocide à Gaza » (AOC, 1er novembre 2023), établit une analogie d’identité abusive non seulement entre le génocide des Herero par l’armée allemande à partir de 1904 et les violences subies par les Gazaouis à la suite du 7 octobre, mais aussi, par syllogisme, entre Israël et les Allemands colonisateurs.
Eva Illouz a fort bien exprimé dans diverses tribunes combien il était préoccupant de « créer des similitudes là où il n’y en pas » et la nécessité, dit-elle, de choisir les « mots justes ». On pourrait aussi mentionner l’usage de « fasciste », moins imagé, mais c’est surtout sur « ghetto de Varsovie » qu’il faut maintenant porter son attention.
La révolte du ghetto de Varsovie contre les troupes allemandes au printemps 1943 représente, dès la fondation d’Israël, un symbole de la combativité juive nourrissant la culture de guerre de la jeune nation qui portait un regard dévalorisant sur les victimes et les survivants non combattants. L’image est elle-même retournée aux dépens d’Israël.
Comme le rappelle Henri Raczymow dans Un Cri sans voix (1985), au moment de l’incursion de Tsahal au Liban en 1982, l’association de Beyrouth au ghetto de Varsovie a couvert la une de nombreux journaux, avant de se dissoudre dans le discours social attendant de prochaines occasions pour resurgir. Aussi n’est-ce pas un hasard si Ari Folman, dans Valse avec Bachir (2008), au moment où commencent à être évoqués les massacres de Sabra et Chatila, fait apparaître l’image iconique du petit garçon les bras levés photographié au moment d’une rafle dans le ghetto de Varsovie.
Or, depuis deux décennies, Gaza a pris la place de la capitale libanaise en brouillant un peu plus les repères mémoriels. À ce titre, on aurait pu espérer que Michael Rothberg, dans son article « From Gaza to Warsaw: Mapping Multidirectionnal memory »[2], ne se limite pas à une comparaison de différentes mises en représentation analogiques des histoires respectives des deux sites. Bien plus que la thèse de la multidirectionnalité des mémoires, la question qui se pose est celle de l’usage et des valeurs des signes du passé suivant la place à laquelle ils sont affectés dans la configuration mémorielle contemporaine.
Ce qui vient représenter symboliquement le nazisme et la Shoah, valant pour « Mal absolu », est distribué alternativement sur les acteurs en jeu lors d’un événement guerrier (rappelons que, lors de la guerre d’Algérie, les soldats français ont été comparés aux nazis et les paras, à la Gestapo), a fortiori si cet événement implique ce puissant pôle d’attraction qu’est Israël. Par extension, la référence aux « Einsatzgruppen » a été présentée lors d’un entretien avec Michael Prazan et l’historien du cinéma Jean-Baptiste Thoret dans l’édition de K. Les Juifs, l’Europe, le XXIe siècle du 13 décembre 2023.
Sans établir de généalogie directe ni de rapport de causalité, un lien étonnant n’en est pas moins fait entre la documentation photographique par les exécuteurs eux-mêmes des tueries à l’Est et la stratégie de « recrutement par les images qui va se développer au cours de l’histoire du terrorisme » et, plus particulièrement, du terrorisme islamiste contemporain. Pourquoi les Einsatzgruppen ? Pour réinscrire systématiquement les crimes du Hamas dans l’horizon sémantique de la mémoire de la Shoah ? Ne serait-il pas plutôt nécessaire de se libérer de cette référence, plutôt que de risquer de s’y retrouver enfermé et qu’elle se retourne contre soi, d’abord, comme source d’aveuglement ?
À ce titre, on peut s’interroger sur l’emploi récurrent du terme « pogrom » dans la presse allemande, américaine, française, israélienne illustré par le long article d’Ofer Aderet consacré à Moshe Zimmermann paru le 23 décembre 2023 dans Haaretz où il est question du pogrom du Hamas sans aucune explication de la part de l’historien israélien réputé. La revue K. Les Juifs, l’Europe, le XXIe siècle, représentative d’une interrogation exigeante sur les rapports contemporains et historiques entre les Juifs et l’Europe, a certes débattu le sens du terme, mais dans l’intention de justifier son emploi.
Dans l’édition du 10 janvier 2024, sa rédaction a même avancé que le 7 octobre a été le premier pogrom post-Shoah, oubliant qu’en 1946, notamment le 4 juillet avec celui de Kielce, la Pologne avait été le théâtre de violences antisémites dont les survivants de la Shoah étaient victimes et sur lesquelles cette qualification n’était ni abusive, ni rhétorique. Le 12 janvier, Élie Barnavi dans AOC se saisit salutairement du mot en considérant que s’il y a pogroms, il s’agit de ceux quasi-quotidiens menés par les colons en Cisjordanie.
Mais s’il est nécessaire de dénoncer sans relâche la politique de l’extrême droite ainsi que de se défocaliser de Gaza comme de la sidération qu’il polarise, peut-être faut-il aussi mettre de côté le lexique choc qui, saturé de mémoire, perd sa justesse.
Il y a une vingtaine d’années, Idith Zertal soulignait ce danger au niveau d’Israël[3]. On peut aussi lire dans ce sens la récente critique menée par Yishai Sarid dans Le Monstre de la mémoire (2020) mettant en scène avec brio un doctorant de Yad Vashem devenu guide dans les camps de la mort. Sa fiction souligne les débordements du mémoriel ayant envahi la société israélienne. Mais sa verve caricaturale a un défaut. Elle fait voir au lecteur européen une société que généralement il ne connaît pas ou très peu en lui laissant la possibilité de s’en moquer, sans comprendre que se reflète aussi, mutatis mutandis, un état de la culture mémorielle dans laquelle il est lui-même immergé.
Faire œuvre de mémoire demande certainement aujourd’hui de savoir pointer les risques d’un enfermement dans des références historiques auxquelles on peut faire signifier tout, et leur contraire. Aussi, plutôt que du négationnisme, le danger pour la mémoire des crimes politiques, en général, et de la Shoah, en particulier, vient-il de là. De même que précédemment pour « génocide », on peut avancer que si les questions mémorielles ouvrent la pensée à des possibilités heuristiques et critiques, elles peuvent tout autant réduire celle-ci à des lieux communs chargés de pathos. Pour autant, la pensée décoloniale ne serait pas l’alternative car elle est exposée à des risques équivalents.
Quelle validité pour la critique décoloniale ?
Aujourd’hui, la centralité de la mémoire de la Shoah est aussi contestée qu’Israël est stigmatisé comme « État colonial » et régime d’« apartheid ». Mais tous ces arguments montés en intensité depuis le 7 octobre circulent depuis des années. En Allemagne, cela a pompeusement été baptisé Historikerstreit 2.0 en référence au véritable débat qui, en 1984, a opposé Habermas et l’historien révisionniste Nolte sur l’interaction entre terreur nazie et totalitarisme stalinien. Là encore mémoire et analogie !
Cette fois la polémique se focalise sur la façon dont la société allemande serait centrée sur la mémoire de la Shoah avec un État apportant un soutien inconditionnel à Israël, aux dépens des questions coloniales et de la brutalité qui leur est associée. L’enjeu de ces polémiques consiste en la réactivation d’un antagonisme Nord-Sud où l’Europe apparaîtrait incapable de se décentrer d’elle-même en menant suffisamment loin la révision critique de son histoire coloniale.
Israël revient ici sur cette scène comme une sorte d’accomplissement synthétique de ce que l’Occident a produit historiquement de pire dans le registre de la domination, de la ségrégation et des violences politiques, rien de moins ! D’où, évoqué plus haut, la duplicité du mot « génocide »
À ce titre, le groupe Leftrenewal avance à raison dans un texte programmatique les arguments suivants. Il y a une « fétichisation du conflit israélo-palestinien » détournant l’attention de régimes explicitement militaristes, dictatoriaux, terroristes et colonisateurs qui appartiennent à ce bloc des non-alignés (qu’en disent les « animateurs culturels » de l’Historikerstreit 2.0 ?). Il faut mener une critique radicale des projets politiques confusionnistes et complotistes (Philippe Corcuff est sur le même terrain) et endiguer le ralliement croissant à un antisémitisme pseudo-émancipateur qui s’appuie sur le mythe d’une élite juive. Au regard de quoi, les mots-outils que sont « colonisation » et « apartheid » ne sont plus adaptés pour démonter la mécanique politique, économique et sociale du Moyen-Orient dans lequel la nation israélienne est engoncée.
La pensée décoloniale a ainsi perdu sa dimension éminemment critique et scientifiquement heuristique, en privilégiant un positionnement partisan faisant d’Israël un pôle d’attraction négatif et en s’opposant à une soi-disant hégémonie de la mémoire de la Shoah dont l’Allemagne contemporaine serait complice.
Certes, à première vue, de telles propositions dépassent les questions d’usage lexicaux, mais elles ont le mérite de la réflexivité en remettant en cause la pertinence de termes réduits à des slogans stériles. Les terreurs interrogent après coup la capacité de la langue à témoigner de la dévastation qui a eu lieu. C’est de ce constat que les témoins, notamment de la Shoah, sont partis pour rendre compte de leur expérience. C’est la leçon que l’on peut tirer du 7 octobre et de ses suites.
Loin de disqualifier les questions mémorielles et décoloniales, il s’agit, non pas de les renvoyer dos à dos, mais de les maintenir ensemble comme une nécessité de penser nos cultures et nos sociétés contemporaines sans négliger la langue dont on fait usage pour en parler (et pour se positionner). À cette condition, pensées mémorielle et décoloniale entretiendront un rapport critique et heuristique à leurs objets, répondant à la nécessité d’objectiver les modes de rapport au passé et à la domination de l’autre.
Sans cela, on aboutit à produire de l’aliénation et à réifier le passé que ce soit, entre autres, celui de la Shoah ou de la colonisation. On s’enferme, se forclôt, s’aveugle. N’est-ce pas ce qui est en train d’arriver avec la montée en puissance des courants ultraconservateurs nourris de nostalgies d’empires postcoloniaux (une forme de mémoire persistante, discrète, voire souterraine) ? N’y a-t-il pas un scandale trop vite relégué à l’arrière-plan quand le Rassemblement National, en France, récolte les dividendes du 7 octobre, convoitant le leadership de la défense des Juifs en se présentant comme le bouclier, à la fois providentiel et historique, contre l’Islam ?