Quelle différence entre un saxophone et un ordinateur ?
J’ai grandi en Suisse romande, dans la campagne vaudoise, non loin de Lausanne. Cette situation avantageuse présentait pourtant son lot d’inconvénients. Je m’y suis ennuyé, je me suis senti à l’étroit dans ce lieu si calme.

Pour m’échapper, j’explorais les disques de jazz que mon père avait accumulés dans son adolescence, fasciné qu’il était par Louis Armstrong, Thelonious Monk et Stan Getz. À 14 ans, sans savoir où cela me mènerait, j’ai rejoint la fanfare d’un village voisin pour y jouer du saxophone.
Cet instrument me réconciliait avec la campagne environnante. L’hiver, équipé de gants laissant mes doigts nus, je jouais au milieu des champs, les pieds dans la neige. Cette douce solitude, ce son qui se perdait dans le lointain, constituent aujourd’hui un souvenir empreint de magie et de mystère.
Lorsque j’ai entamé des études universitaires de sinologie et d’islamologie, mon saxophone m’a suivi à Genève. Je m’essayais au chant, et avec des amis, nous avons formé un groupe de rock. À la manière d’un Joe Dassin, dont la célébrité éclipse le parcours d’anthropologue et de sanscritiste, j’explorais d’autres territoires que ceux de l’Asie, me laissant conduire par David Bowie, The Young Gods, Einstürzende Neubauten, Marilyn Manson et Hubert-Félix Thiéfaine.
Durant ces années de découverte, j’ai aussi eu la chance de vivre une étonnante transition technologique : l’apparition des premiers ordinateurs portables grand public, suivie de l’avènement d’Internet. Au milieu des années 1980, nous avions un Commodore 64 à la maison, et au début des années 1990, j’ai envoyé mes premiers courriers électroniques depuis les terminaux de l’Université de Genève. Sur ces mêmes ordinateurs, j’ai vu apparaître Netscape, Yahoo, et enfin Google.
Le plus intéressant, à mes yeux, aura été le lancement en 1998 des Macintosh G3, grâce auxquels il était soudain possible de jouer de l’ordinateur.
Inspiré par les Young Gods, pionniers en échantillonnage sonore, et par les cours de l’Ins