Politique

L’Europe, un continent-monde ?

Géo-historien

Fin avril, dans son nouveau discours de La Sorbonne, le président de la République a notamment déclaré que « l’Europe n’est pas simplement un bout d’Occident, mais bien un continent-monde ». Qu’est-ce à dire ?

Le jeudi 25 avril 2024, à la Sorbonne, le président français Emmanuel Macron a prononcé un discours fleuve pour exposer sa vision de l’Europe. Au détour d’une phrase, une formule saillit : « l’Europe n’est pas simplement un bout d’Occident, mais bien un continent-monde » ; le géographe ne peut pas y être indifférent.

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La première assertion est la reprise d’une expression, « bout d’Occident », qu’Emmanuel Macron n’invente pas et dont le sens est assez vague, fluctuant en fonction du référentiel donné à Occident. Communément, cependant, on l’emploie plutôt pour des territoires de petite taille. Ainsi, certains l’utilisent pour qualifier la situation d’Israël au Moyen-Orient. À propos de l’Europe, cela implique de désigner un Occident beaucoup plus vaste ; mais lequel ? La notion d’Occident est pour le moins assez floue. Elle englobe toujours l’Europe et l’Amérique du Nord, généralement l’Australie et la Nouvelle-Zélande, ainsi, parfois, le Japon.

En désignant l’Europe de « bout d’Occident », le président français a manifestement cherché à la démarquer de cet ensemble non structuré, ce qui révèle sans doute son rejet d’une dichotomie très forte aujourd’hui qui tendrait à opposer l’Occident et le Sud global, the West and the Rest. On pourrait ainsi paraphraser Emmanuel Macron : l’Europe fait partie de l’Occident, mais elle a sa propre autonomie politique. Il le dit explicitement peu après : « Il n’y a jamais chez nous de doubles standards et que nous avons bien, là aussi, notre autonomie ». Faisant le constat des critiques adressées à l’égard de l’Occident, il espère semble-t-il trouver une voie intermédiaire. Pour Emmanuel Macron, l’Europe n’est pas un appendice de l’Occident au sens où l’Europe ne doit pas s’aligner systématiquement sur les États-Unis.

Le propos poursuit et précise le positionnement géopolitique adopté par le président depuis des mois. Dans sa déclaration de politique étrangère aux ambassadrices et ambassadeurs du 28 août 2023, il faisait par


[1] Christian Grataloup, 2009, L’invention des continents : comment l’Europe a découpé le monde, Paris, Larousse ; Christian Grataloup, Vincent Capdepuy, 2013, « Continents et océans : le pavage européen du globe », Monde(s), n° 3.

[2] Alejandro Alvarez, 1926, La Réforme du Pacte de la Société des Nations sur des bases continentales et régionales, Rapport présenté à la Ve session de l’Union juridique internationale, Éditions internationale ; 1927, « Les groupements continentaux et la réforme du Conseil de la Société des Nations », L’Esprit international, pp. 44-63.

[3] Octavian Stefanovici, 1935, Le régionalisme en droit international public, Thèse pour le doctorat, Université de Bordeaux, Paris, Recueil Sirey, p. 25.

[4] 1930, Mémorandum sur l’organisation d’un régime d’union fédérale européenne, Paris, p. 10

[5] Eugene Staley, 1944, « The Myth of the Continents », in Weigert H.S. & Stefanson V. (éd.), Compass the World. A Symposium on Political Geography, MacMillan Company, New York, pp. 89-108.

[6] Vincent Capdepuy, 2023, Le Monde ou rien : histoire d’une notion géographique, Presses universitaires de Lyon.

[7] Bruno Tertrais, 2023, La guerre des mondes : le retour de la géopolitique et le choc des empires, Les éditions de l’Observatoire.

Vincent Capdepuy

Géo-historien , Formateur académique en cartographie

Notes

[1] Christian Grataloup, 2009, L’invention des continents : comment l’Europe a découpé le monde, Paris, Larousse ; Christian Grataloup, Vincent Capdepuy, 2013, « Continents et océans : le pavage européen du globe », Monde(s), n° 3.

[2] Alejandro Alvarez, 1926, La Réforme du Pacte de la Société des Nations sur des bases continentales et régionales, Rapport présenté à la Ve session de l’Union juridique internationale, Éditions internationale ; 1927, « Les groupements continentaux et la réforme du Conseil de la Société des Nations », L’Esprit international, pp. 44-63.

[3] Octavian Stefanovici, 1935, Le régionalisme en droit international public, Thèse pour le doctorat, Université de Bordeaux, Paris, Recueil Sirey, p. 25.

[4] 1930, Mémorandum sur l’organisation d’un régime d’union fédérale européenne, Paris, p. 10

[5] Eugene Staley, 1944, « The Myth of the Continents », in Weigert H.S. & Stefanson V. (éd.), Compass the World. A Symposium on Political Geography, MacMillan Company, New York, pp. 89-108.

[6] Vincent Capdepuy, 2023, Le Monde ou rien : histoire d’une notion géographique, Presses universitaires de Lyon.

[7] Bruno Tertrais, 2023, La guerre des mondes : le retour de la géopolitique et le choc des empires, Les éditions de l’Observatoire.