Les ordonnances Macron, de guerre lasse ?
La large majorité obtenue aux législatives de 2017 par les candidats de La République En Marche ! a ouvert la voie aux réformes promises par le candidat Macron, parmi lesquelles, au premier chef, ces fameuses ordonnances habilitant le Gouvernement à légiférer « pour le renforcement du dialogue social » dans le domaine du droit du travail. Ces ordonnances n’ont finalement suscité que peu de réactions dans l’opinion publique, hormis de trois ou quatre journées d’action syndicale. Faut-il voir dans la faiblesse des controverses et des mobilisations suscitées par cette réforme la preuve d’une forte « capacité à réformer », dans un domaine soumis habituellement aux interventions des organisations syndicales ?
Il s’agit plutôt ici d’une guerre d’usure. Ces ordonnances ne se caractérisent pas par leur nouveauté, elles prolongent au contraire les chantiers ouverts par la présidence Hollande – répondant ainsi directement aux injonctions de la Commission Européenne –, auxquels Emmanuel Macron lui-même a pris une part importante. Sous couvert de « renforcement du dialogue social », un fil rouge opère le lien entre les ordonnances et la loi de sécurisation de l’emploi voté sous François Hollande en 2013 : la mesure instituant un barème qui forfaitise l’indemnisation des dommages en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
On est passé de la sécurisation du travailleur à la sécurisation de la flexibilité.
Les projections des années 1990, telles celles de la Commission Boissonnat ou celle du groupe réuni par Alain Supiot, dessinaient un monde du travail où la mobilité devait devenir une dimension cruciale, mobilité de salariés en emplois précaires (CDD, intérim), mobilité entre salariat et création d’entreprise à une époque où fleurissait le culte des start-ups et de la société « post-industrielle ». Pour Robert Castel, la situation se présentait sous un jour moins optimiste, marqué par la disparition du plein emploi, la montée proportionnelle des contra