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Le temps long du jihad

Journaliste

Depuis l’automne et la défaite de l’État islamique en Syrie et en Irak, le retour des combattants jihadistes étrangers occupe le cœur des débats médiatiques. Aussi importante soit-elle, cette question ne doit pas faire perdre de vue les racines du phénomène et la puissante attractivité de son idéologie, source de sa permanence. Le Jihadisme existe depuis trente ans, et ne va pas subitement s’éteindre. Parce le projet politique du jihad global demeure vivace, il faut se préparer à l’affronter pendant plusieurs décennies encore.

Depuis l’annonce de l’arrestation fin décembre 2017 du jihadiste français Thomas Barnouin, la question agite les médias : que faire des jihadistes étrangers ? Où les juger ? En Syrie, en Irak ? Dans leur pays d’origine ? La France veut agir au cas par cas, les États-Unis ont fait savoir qu’ils souhaitent voir les combattants étrangers jugés dans leur pays. Cette semaine, un nouveau cas est venu alimenter les controverses. Celui de Melina B., arrêtée dans les décombres de Mossoul. Incarcérée avec sa petite fille, elle a finalement été libérée par les autorités irakiennes après avoir purgé une peine de prison. Quel sort lui sera réservé à son retour en France ? Doit-on se protéger du retour de ces « radicalisés », qui menacent de contaminer nos prisons et notre société, une phraséologie que l’on l’entend régulièrement sur les plateaux de télévision ? Ne doit-on pas, à l’inverse, se servir des procès des jihadistes pour susciter, enfin, le grand débat national dont la France a besoin sur les causes endogènes de l’essor du jihadisme sur notre territoire ?

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Comme souvent, l’actualité moyen-orientale et la mouvance jihadiste poussent à la réaction rapide et au jugement hâtif, quand la lecture des évènements devrait au contraire inciter à privilégier une action pensée pour le long terme. Car quel que soit le sort réservé aux jihadistes étrangers, le phénomène va continuer à irriguer nos débats dans les années, voire les décennies à venir. Toute médiatisée et spectaculaire qu’elle fut, la défaite de l’État islamique en Syrie et en Irak n’a rien résolu. La Syrie est toujours le théâtre d’un chaos plus inextricable encore, et le mouvement jihadiste, bien vivace, prospère sur les contextes politiques de ce type. Le maintien au pouvoir de Bachar el-Assad et son comportement inqualifiable dans la Ghoutta orientale, où l’armée syrienne continue de massacrer sa propre population, ne font que renforcer les convictions des jihadistes, et l’attractivité de leur discours qui


Pierre Puchot

Journaliste, spécialiste du Moyen-Orient

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