International

Poutine ou l’autoritarisme de l’État de puissance

Politiste

Loin d’être l’État de droit autoproclamé qu’elle prétend, la Russie apparaît dépourvue de société civile et livrée aux mains du réseau d’un petit groupe de dirigeants du plus haut rang évoluant dans des sphères d’activité différentes. La réélection de Poutine permet de mieux comprendre la nature du régime qu’il dirige de manière autoritaire : un État de puissance.

Le 18 mars 2018 Vladimir Poutine a été réélu, pour six ans, président de la République fédérale de Russie. Son élection a été fixée ce jour-là pour qu’elle coïncide avec le 4e anniversaire de l’annexion de la Crimée : le rattachement, né d’un coup de force armée, de cette partie de l’Ukraine à la Russie fut en effet ratifié par Poutine le 18 mars 2014. Le président de la Russie considère qu’il s’agit d’un de ses plus grands succès et il a prononcé dimanche son discours de victoire électorale au cours d’une fête destinée à célébrer l’événement. Il y a pavoisé en appelant à « l’unité » et au travail en commun à la façon d’une « équipe ».  Et le lendemain, le lundi 19, il a invité les autres candidats à une réunion où ils sont tous rendus pour s’entendre dire qu’il fallait s’occuper du « niveau de vie »  des Russes sans oublier l’importance de la défense.

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Poutine l’a emporté de loin sur ses sept rivaux en les écrasant avec 76,76 % des suffrages exprimés et une participation élevée de 67,47 % des 110 800 000 d’inscrits : les accusations étayées de fraudes ne peuvent amoindrir son succès. Un deuxième tour, prévu par la constitution de 1993, qui aurait opposé les deux premiers candidats, est donc sans objet. Le second de la compétition, Pavel Groudinine, un candidat du parti communiste, n’a obtenu que 11,8 % des voix et, en troisième position, arrive l’extrémiste de droite Vladimir Jirinovski avec 5,6 % des suffrages. Au total, les adversaires de la démocratie ont rassemblé rien moins que 97 % des voix. Les accusations de la Grande-Bretagne sur l’empoisonnement d’un agent double et les sanctions prises suivies de rétorsions russes n’ont eu aucun effet sur l’élection sinon peut-être de renforcer Poutine. Depuis 1999, il est à la tête de la Russie sans interruption et il veut apparaître en personne au sommet de ce qu’il appelle la « verticale du pouvoir », si bien qu’on doit s’interroger sur la logique de ce régime où les élections apparaissent comme décoratives


Dominique Colas

Politiste, Professeur à Sciences Po