Les aventures écologiques du libéralisme
La situation politique de l’écologie interroge. Apparemment fixés depuis une génération sous la forme d’un parti impliqué dans la représentation démocratique – Les Verts, puis EELV, le discours et le mouvement écologiques débordent pourtant largement ce cadre. De plus en plus marqué depuis les années 2000, le recours tous azimuts à des arguments environnementaux, que ce soit du côté du pouvoir ou des contestations, alimente la perplexité, et peut-être la confusion. Quelle politique est adéquate pour répondre à la vulnérabilité des milieux naturels ? Dans quelles coordonnées idéologiques l’exigence d’une limitation environnementale de l’activité économique, d’une responsabilité écologique des personnes et de l’État, peut-elle s’exprimer ? Et si l’écologie n’appartient à aucun parti, à aucune frange particulière du spectre politique, alors comment se repérer dans la variété des discours publics sur l’environnement ? Les essais qui suivent tentent de répondre à ces questions en interrogeant la façon dont les trois grands blocs idéologiques modernes principaux que sont le libéralisme, le conservatisme et le socialisme, intègrent dans leurs discours des éléments environnementaux, des éléments qui ont trait aux conditions physiques, biologiques et territoriales de l’existence collective.
En suivant les analyses classiques de Karl Polanyi, on définira provisoirement le libéralisme comme le mouvement qui attache à la personne des droits inaliénables et universels, et pour lequel la concrétisation de l’autonomie individuelle et collective est fournie par l’accès à la prospérité matérielle au sein de marchés libres. Le conservatisme et le socialisme sont des réponses à cette impulsion libérale de la modernité : le premier mouvement cherche à réinstaurer une autorité verticale d’inspiration monarchique et religieuse, et à donner une référence nationale, voire raciale, au corps social ; le second accepte la théorie libérale du progrès mais prend acte des formes spéci