Makers : quand la société se bricole elle-même
Si l’irruption d’Internet dans la vie quotidienne de millions de gens a pu susciter des prophéties enthousiastes ou inquiètes sur l’avènement d’un monde de plus en plus virtuel, la réalité se révèle bien plus contrastée. À rebours de la dématérialisation annoncée, on observe depuis plusieurs années une multiplication effervescente d’espaces physiques – des makerspaces – équipés d’outils, de machines, d’ordinateurs… dans lesquels des personnes se rassemblent pour mener à bien des projets de fabrication tout à fait concrets. En France, comme ailleurs dans le monde, il ne se passe pas une semaine ou un mois sans que de jeunes femmes ou de jeunes hommes n’entreprennent d’unir leurs forces pour créer ce type de lieu et donner vie à des communautés animées d’une même volonté de bricoler à plusieurs, d’inventer, d’échanger des savoirs et des astuces, parfois avec l’espoir de transformer leur environnement voire la société en son entier. Par-delà la diversité de leurs projets et de leurs aspirations, ils contribuent ainsi à la vitalité de que l’on appelle le mouvement maker.
La face technologique de ce mouvement est maintenant bien connue du grand public. Très médiatisées, les imprimantes 3D ont fait la preuve de leur capacité à fabriquer toutes sortes de choses, à commencer par des gadgets en plastique, mais aussi des objets bien plus utiles comme des prothèses médicales, des pièces industrielles, des plats alimentaires voire des maisons.
Si ces techniques de fabrication, parmi lesquelles on peut citer aussi les fraiseuses numériques ou les découpeuses laser, ouvrent indéniablement de nouvelles perspectives, ce n’est peut-être pas l’aspect le plus intéressant du phénomène maker. Celui-ci se saisit, certes, des potentialités du digital mais il constitue aussi un nouvel épisode dans une saga bien plus ancienne, celle des résistances à la société industrielle et du désir de reprendre la main sur les technologies qui ont des impacts sur nos vies.
Cette tradition, ce