Économie

Transition écologique : faire confiance à la finance ?

Économiste

La tenue à Paris des Climate Finance Days, offre l’occasion d’interroger le présupposé majeur de la finance « verte » : au nom de la croyance dans le pouvoir disciplinaire de la finance de marché, mettre en place des « obligations vertes » suffirait à rendre l’économie propre. Mais cette nouvelle forme de spéculation se soucie peu des actions concrètes des entreprises, et de leur coût environnemental et social. Elle leur permet surtout, même aux plus sales, de verdir leur réputation et de protéger leur valeur actionnariale.

Les Climate Finance Days se sont ouverts ce 26 novembre à Paris pour trois jours. Ils réunissent banquiers, investisseurs institutionnels, politiques et experts de tout genre pour avancer sur le dossier du financement de la transition écologique. Le dernier rapport du GIEC paru début octobre est encore venu rappeler l’ampleur et la radicalité des changements à entreprendre. Mais, malgré la multiplication des cris d’alarme, les émissions de gaz à effet de serre (GES) qui s’étaient stabilisées dans bon nombre de pays occidentaux sont reparties à la hausse ; dans le même temps, espèces animales et végétales et écosystèmes disparaissent toujours plus rapidement [1].

Tandis qu’à l’occasion de la COP 21, à Paris, la grande majorité des pays du monde s’était engagée sur des objectifs de réduction des rejets de GES, les mêmes pays continuent de considérer la croissance économique comme fin unique et ultime. Enfin, alors que le nombre et l’ampleur des crises financières de ces dernières décennies devraient amener à douter de la capacité de la finance à œuvrer pour le bien commun, il est aujourd’hui question de lui confier le financement de la transition écologique.

Ce que l’on espère de la finance dite « verte » : qu’elle capte une petite partie des centaines de trillions de dollars de la sphère financière pour les affecter à la transition du même nom. Il s’agit d’un secteur apparu il y a une dizaine d’années et qui est pour l’instant essentiellement une extension des marchés financiers classiques à des objets « verts ». Comme telle, elle remplit les deux grandes fonctions habituelles de la finance : la couverture des risques et le financement de l’investissement.

La dégradation écologique de la Terre est en effet à l’origine de nouveaux risques. On l’observe de plus en plus fréquemment, le changement climatique engendre inondations, ouragans, sécheresses et autres événements climatiques extrêmes, événements dont le coût s’alourdit d’année en année. Les ingénieurs financier


[1] Ripple, William J., Christopher Wolf, Mauro Galetti, Thomas M. Newsome, Mohammed Alamgir, Eileen Crist, Mahmoud I. Mahmoud, William F. Laurance (2017), « World Scientists’ Warning to Humanity : a Second Notice », BioScience, vol. 67, no 12, november the 13th, traduit dans Le Monde du 14 novembre 2017.

[2] Pour une analyse critique des cat bonds, voir R. Keucheyan, (2014), La nature est un champ de bataille. Essai d’écologie politique, Paris, Zones, Editions La Découverte.

[3] J. Mandel, J. Donlan, C. Wilcox, R. Cudney-Bueno, S. Pascoe, D. Tulchin, (2009), « Debt investment as a tool for value transfer in biodiversity conservation », Conservation Letters, 2, pp. 233-239.

[4] G. Pitron, (2018), La guerre des métaux rares. La face cachée de la transition énergétique et numérique, Paris, Les Liens qui Libèrent.

Hélène Tordjman

Économiste, Maitre de conférences à Paris 13

Notes

[1] Ripple, William J., Christopher Wolf, Mauro Galetti, Thomas M. Newsome, Mohammed Alamgir, Eileen Crist, Mahmoud I. Mahmoud, William F. Laurance (2017), « World Scientists’ Warning to Humanity : a Second Notice », BioScience, vol. 67, no 12, november the 13th, traduit dans Le Monde du 14 novembre 2017.

[2] Pour une analyse critique des cat bonds, voir R. Keucheyan, (2014), La nature est un champ de bataille. Essai d’écologie politique, Paris, Zones, Editions La Découverte.

[3] J. Mandel, J. Donlan, C. Wilcox, R. Cudney-Bueno, S. Pascoe, D. Tulchin, (2009), « Debt investment as a tool for value transfer in biodiversity conservation », Conservation Letters, 2, pp. 233-239.

[4] G. Pitron, (2018), La guerre des métaux rares. La face cachée de la transition énergétique et numérique, Paris, Les Liens qui Libèrent.