Ce que devrait savoir le président
Il est prématuré de faire le portrait sociologique des « gilets jaunes ». À l’exception de quelques travaux en cours, tout ce qu’on sait provient essentiellement de ce qu’on savait d’avance des inégalités sociales à l’œuvre et plus encore des situations socio-économiques insupportables et souvent peu publicisées dans lesquelles tant d’individus appartenant aux milieux populaires se trouvent soumis. Aussi le mérite des mobilisations récentes a-t-il été de rompre l’indifférence sociale et politique dont souffrent celles et ceux qui vivent avec des revenus ou des salaires qu’ils jugent insuffisants. Face à ces revendications mobilisées de manières inédites et contradictoires, nombre de responsables politiques se sont dit surpris de découvrir tant de détresse. Nombreux sont celles et ceux reconnaissant n’avoir pas vu venir cette révolte sociale et politique, comme chez les observateurs – sociologues ou commentateurs – d’ailleurs.

Et pourtant, les élu.e.s français.e.s disposent tout.e.s de moyens humains et de dispositifs dédiés à recueillir les suppliques et les requêtes de leurs concitoyens. Ces dispositifs sont périodiquement mis en avant par les représentants politiques eux-mêmes lorsque ces derniers entendent affirmer leur monopole de la connaissance de leurs concitoyens. Ils disent en effet entendre les Français, les comprendre, partager leurs préoccupations, bref pouvoir les représenter dans tous les sens du terme.
Les élus de la République sont les spécialistes de la proximité d’avec le peuple, les experts en problèmes concrets, les « fonctionnaires » du quotidien. Ils savent par le terrain, par les sondages, par leurs « capteurs », par leur métier, ce que pensent et ressentent « leurs électeurs ». Et si cela ne suffisait pas à étouffer la critique de la distance entre représentant.e.s et représenté.e.s, sont alors brandis les nouveaux outils du numériques qui, par milliers de tweets, de posts et de likes créent une sorte d’osmose, de lien direct, de familiarité