Le cap et la pédagogie – à propos du néolibéralisme et de la démocratie
« Maintenir le cap » : tel serait le critère du bon gouvernement. Et mener « la pédagogie des réformes » : telle serait, en contexte démocratique, la seule méthode envisageable de navigation. Viser toujours la même direction, garder bien droit le gouvernail en dépit des remous, des vents contraires et des tempêtes – le fameux cap –, et y parvenir grâce à ce que le dictionnaire définit comme « la science de l’éducation des enfants » – la fameuse pédagogie –, ce serait donc là le nouvel art de gouverner. Ces deux métaphores, inlassablement reprises par les gouvernements successifs depuis au moins trois décennies, ne sont pas seulement ce que les communicants appellent des « éléments de langage ». Ce vocabulaire est bien plus intéressant. Il révèle de manière très rigoureuse le sens du nouveau libéralisme qui a émergé aux États-Unis dans les années 1930 et qui n’a cessé de se diffuser ensuite à l’ensemble du monde, en se baptisant lui-même du nom de « néolibéralisme ».

Le cap, d’abord. Non pas laisser faire, comme dans le libéralisme classique, mais imposer à la société la direction qu’elle doit suivre. Cette direction, c’est celle de son adaptation progressive à la division mondialisée du travail. Et sa destination finale, c’est celle d’un grand marché mondial régi par des règles loyales et non faussées, dans lequel devront désormais prévaloir, non plus des rapports brutaux de prédation où les plus gros continueraient de dévorer les plus petits (la fameuse « loi de la jungle »), mais les règles d’arbitrage d’une compétition fair play où, comme dans le sport, tous doivent avoir les chances égales de faire valoir leurs capacités et de révéler leurs talents. Ce que les nouveaux libéraux comprennent, dans le sillage de la crise de 1929 et à la suite de la décennie noire qui lui succède, c’est que le marché ne se régule pas tout seul. C’est qu’il n’y aucune main invisible qui harmonise spontanément la lutte des intérêts, et qu’il faut donc impérativement en appeler à