Le retour de l’afrocentrisme
Les mots, et la lutte autour de leur signification, sont importants. Le terme d’« Afrocentrisme » par exemple est un hétéronyme jugé dépréciatif par ceux qui se nomment « Afropéens » (Léonora Miano), « Afropolitains » (Achille Mbembe) ou bien encore « Afro-descendants », et qui lui préfèrent celui d’« Afrocentricité ». La notion d’Afrocentrisme ou d’Afrocentricité est un moyen de tordre le bâton dans l’autre sens et de faire de l’Afrique – pas du continent dans son ensemble, en y incluant le Maghreb, mais essentiellement de sa partie « noire », subsaharienne – non pas l’objet passif d’une histoire, de l’histoire, mais un véritable sujet capable d’autonomie et ayant apporté sa contribution à l’évolution de l’humanité. L’Égypte, au sens de la civilisation pharaonique, occupant de ce point de vue une place à part.
C’est en effet au nom du penseur et militant politique sénégalais Cheikh Anta Diop (1923-1986) qu’il faut rattacher principalement la doctrine afrocentriste. Auteur d’une thèse soutenue en Sorbonne en 1960, C. A. Diop s’est employé à démontrer son idée de l’« Antériorité des civilisations nègres » et l’influence déterminante des cultures africaines sur la civilisation égyptienne pharaonique. Selon Diop, les Égyptiens anciens étaient des Noirs. Bien qu’il se soit opposé à Léopold Sédar Senghor, son compatriote et rival politique victorieux, ses idées sont en réalité très proches de celles de l’un des pères, avec Aimé Césaire, de la notion de « négritude » et il est d’ailleurs presque unanimement célébré aujourd’hui au Sénégal où l’université la plus importante porte son nom et où le projet monumental d’histoire de ce pays en vingt-cinq volumes est placé sous son égide.
Combattu de son vivant par certains égyptologues occidentaux sur la nature du peuplement de l’Égypte ancienne, mais revendiqué comme un prophète par un petit groupe d’adeptes, sa pensée a été reprise par d’autres penseurs africains comme le Congolais Théophile Obenga et elle a en ou