Europe : du « populisme » au nativisme
« Nous devons reconnaître, pour maîtres des mots,
ceux qui savent en abuser, et ceux qui savent en user
mais ceux-ci sont les rois des langues, et ceux-là en sont les tyrans. »
Joseph Joubert, Pensées
Le populisme a « mauvaise presse » en Europe. Sollicité sans vergogne, le mot s’est littéralement vidé de son sens. En cause : la sphère médiatique qui, après l’avoir importé des milieux académiques, l’a réduit, depuis une dizaine d’années, à un usage purement polémique. Le populiste ? C’est le démagogue, l’irresponsable, le leader sans scrupule, bref l’adversaire qu’il faut disqualifier. Censé énoncer, le mot ne sert plus… qu’à dénoncer.
La carrière de ce concept serait de peu d’intérêt si elle n’entretenait pas une grave confusion sur le clivage autour duquel se recomposent les systèmes partisans en Europe. Ce clivage, c’est celui du nationalisme, mais plus encore, celui du « nativisme ». Avec sa revendication première : priver de droits ceux qui, par leur origine ou leur confession, sont censés menacer l’intégrité de la nation. Ce programme politique puise des arguments aussi bien dans la biologie que dans l’histoire. Mais depuis peu, il se nourrit de la crise migratoire dans le bassin méditerranéen et les Balkans, au point de susciter de véritables jacqueries électorales. D’où la nécessité de changer de boite à outils pour analyser ces évolutions récentes.
L’avertissement de 2002
D’abord, un mot de rappel : le « populisme » n’a pas surgi par hasard des cerveaux des commentateurs. En France, c’est pour le second tour de l’élection présidentielle de 2002 qu’il est véritablement entré dans l’arène médiatique. Le terme venait à la rescousse devant la « surprise » du 21 avril : Jean Marie Le Pen se qualifiant avec un score de près de 17%, tandis que plus d’un quart des électeurs s’abstenaient. Avec plusieurs chercheurs, nous avions signalé combien cette « tentation populiste » était un phénomène qui gagnait alors l’Europe entière. Le « 21 Avril » français a