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Du « dialogue social » aux Gilets Jaunes : les enjeux syndicaux de la grève du 5 décembre

Historien

Face à un mouvement des Gilets jaunes parvenu à s’organiser en dehors des structures traditionnelles dédiées au monde du travail tout en tenant sur la durée, le déclin des organisations syndicales semble avoir atteint son paroxysme. Constat que les mobilisations massives du 5 décembre pourraient invalider si les syndicats parviennent à saisir cette occasion de se replacer au cœur des revendications.

La grève interprofessionnelle appelée à partir du 5 décembre 2019 s’annonce massive. Un an après le mouvement des Gilets jaunes qui a bousculé le champ syndical, une occasion est donnée à ce dernier de se replacer au centre des rapports sociaux. À condition toutefois de tirer des enseignements de la mobilisation des ronds-points, au regard des pratiques normatives dont le syndicalisme français a fait l’axe majeur de ses modalités d’intervention, au moins à l’échelon national.

L’hiver dernier, les Gilets jaunes ont administré une triple démonstration. D’abord, ils ont fait valoir la possibilité de lancer, grâce aux réseaux sociaux, une puissante mobilisation irriguant le territoire en dehors de toute organisation structurée traditionnelle. C’est ainsi que pour la première fois, un mouvement social de cette ampleur et principalement composé de travailleurs a échappé de bout en bout aux syndicats.

Ensuite, ils sont parvenus à s’inscrire dans la durée, en déployant des formes de micro-organisations autonomes participant en outre de processus de politisation qui ont contribué à élargir les revendications originelles et à imposer la question sociale au cœur du rapport de force avec les institutions et de l’espace médiatique. Enfin, ils ont fait peur au pouvoir, ce que les structures dédiées au monde du travail n’ont pas réussi au moins depuis les grèves de novembre-décembre 1995.

Si le rendez-vous avec les Gilets jaunes a été manqué nationalement, il n’en interroge pas moins leur rôle et leurs manières d’agir. Il les place potentiellement en situation de devenir des outils résiduels de tempérance sociale, dans un panorama de longue durée où ils peinent à démontrer leur efficience. Depuis les années 1980, les processus d’apaisement et d’affiliation plus ou moins marquée à l’ordre dominant ont largement conduit à la neutralisation et à la dévitalisation des confédérations.

Qu’elles s’inscrivent pleinement dans les pratiques dites de « dialogue social », dont elles font à l


Stéphane Sirot

Historien, Professeur d’histoire politique et sociale du XXe siècle à l’Université de Cergy-Pontoise

Mots-clés

Gilets jaunes