International

Du Coronavirus en Amérique

Anthropologue, sociologue et médecin

Le 11 mars dernier, Donald Trump annonçait la fermeture des frontières des États-Unis à l’Europe. Une intervention qui mettait fin à la dénégation persistante du Président mais qui révélait également son inaptitude à endiguer la crise. Xénophobie d’État, nationalisme scientifique, guerre économique, inégalités sociales, absence de solidarité : le coronavirus dévoile, plutôt qu’il ne produit, les maux qui rongent la société états-unienne.

Le 11 mars 2020, le président des États-Unis annonçait, dans une rare allocution télépromptée en prime time sur toutes les chaînes d’information continue, la fermeture des frontières de son pays à tous les voyageurs en provenance d’Europe, sauf la Grande-Bretagne et l’Irlande. À onze reprises dans son intervention de dix minutes, il mentionnait l’espace Schengen, soulignant que le problème était la liberté de circulation entre les pays qui le composent.

L’exception britannique et irlandaise pouvait cependant surprendre dans la mesure où le Royaume-Uni comptait à ce moment dix fois plus de cas que, par exemple, la Pologne, et surtout faisait le choix stratégique de laisser se développer l’épidémie dans l’espoir de produire une immunité collective naturelle. La mesure fut du reste révisée quarante-huit heures plus tard pour inclure cette fois les deux pays initialement épargnés par l’interdiction.

Ayant préparé la Proclamation 9984 avec son gendre, Jared Kushner, mais s’étant autorisé quelques ajouts impromptus, Donald Trump commettait deux énormes bévues dont ses conseillers se rendaient compte avec stupeur en l’entendant lire mécaniquement le texte qu’il avait sous les yeux et dont le phrasé mal ponctué laissait à penser qu’il ne le comprenait pas.

Premièrement, il ne précisait pas qu’étaient exemptés de ces restrictions de déplacement les citoyens états-uniens de même que les résidents permanents. Deuxièmement, il incluait les transports de marchandises dans sa suspension de l’entrée sur le territoire états-unien. Bien que corrigées peu après, ces erreurs produisaient un désarroi parmi les citoyens et les résidents présents en Europe, qui se ruaient sur les compagnies aériennes et les agences de voyage pour tenter de rentrer chez eux avant la fermeture de la frontière, et plus encore sur les toutes les places boursières du monde, avec dès le lendemain des baisses historiques et même, pour ce qui est de la Bourse de Paris, la plus forte chute depuis la création du


Didier Fassin

Anthropologue, sociologue et médecin, Professeur au Collège de France et directeur d'études à l'EHESS

Mots-clés

Covid-19