Société

Covid-19 et capitalisme génétique

Sociologue et agronome

Les formes actuelles de la viralité, qu’elle soit biologique, informatique ou informationnelle, organique ou numérique, caractérisent notre entrée dans une nouvelle phase du capitalisme, le capitalisme génétique. Loin de simplement exploiter une réalité matérielle donnée, le nouveau capitalisme produit cette réalité en l’augmentant.

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I just need to have access to the pure virus, that’s all ! For the future !
Terry Gilliam, Twelve Monkeys, 1995.

 

Extension du domaine du confinement

Nous vivons actuellement la première pandémie virale globale. Aujourd’hui, donc, nous sommes confiné·es, comme tout le monde, ou presque. Aujourd’hui, nous pratiquons la « distanciation sociale » et la « quarantaine » plus ou moins auto-imposée. Aujourd’hui, des drones peuvent nous interpeller dans la rue pour nous enjoindre à rentrer dans l’ordre, à deux mètres de notre prochain·e. Aujourd’hui, le signal GPS de nos téléphones cellulaires sert au contrôle biopolitique d’un État plus ou moins soudainement (selon les régimes, mais globalement) revenu à s’intéresser à notre bien-être, à notre santé. Aujourd’hui, les seuls travailleur·es qui restent sont celleux qui n’ont pas le choix, dans la mesure où leur travail est considéré comme « essentiel », où celleux qui peuvent travailler depuis leur domicile. Les premièr·es ont l’honneur insigne de pouvoir éventuellement mourir pour les autres, tandis que les second·es ont l’avantage de continuer à produire quand même.

Aujourd’hui, chacun·e est libre de se sentir comme un·e réfugié·e parqué·e dans son camp personnel, comme un·e dissident·e, assigné·e à résidence, ou comme un·e criminel·le en prison. Aujourd’hui, les plus optimistes relisent La Chartreuse de Parme, pour y retrouver la recette d’un allusif bonheur certes agrémenté de panoptique numérique, version YouTube ou Netfix, 100% garanti par les influenceur·es de l’heure. Aujourd’hui, les plus pessimistes sentent la fin du meilleur des mondes possibles, l’effondrement à venir, l’apocalypse.

Chacun·e, frappé·e d’une sorte de stupeur débilitante, fait une autre expérience du temps, se réinvente peut-être des routines pour tenir, passe quand même de son pyjama de nuit à son pyjama de jour à huit heures tapantes, fait sa journée comme ille peut, prend son apéro sur Skype ou Zoom, et évite si possible de frapper le


[1] Talking Heads, « Once in a lifetime », 1980.

[2] À ce sujet, la référence est le livre de Jussi Parikka, Digital Contagions : A Media Archeology of Computer Viruses (Peter Lang, 2007).

[3] Le Guidon en françois d’après Sigurs.

[4] Dans ses Œuvres complètes, aux éditions Malgaigne, en 1575.

[5] Documents du 23 avril 1793, Recueil des Actes du Comité de Salut Public, édité par F. A. Aulard, t. 3, p. 418

[6] Ces deux derniers paragraphes reprennent et synthétisent un développement bien plus long paru sous le titre « Devenir animal et vie aérienne. Prolégomènes à une biologie transcendantale » dans la revue Chimère (73 : 109-125, 2010).

[7] Francis H. C. Crick, James D. Watson, « Molecular Structure of Nucleic Acids: A Structure for Deoxyribose Nucleic Acid », Nature, vol. 171, nº 4356, 25 avril 1953, p. 737. Voir mon papier intitulé « Variations sur l’insignifiant génétique : les métaphores du (non)code » (Intermédialités, 3: 163-186, 2004) pour un développement de ce point.

[8] Voir mon papier intitulé « Hypervirus : A Clinical Report » dans la revue en ligne CTheory, (http://www.ctheory.net) Février 2006.

[9] Plus en détails dans le chapitre 4 de mon livre Junkware (Presses de l’Université du Minnesota en 2011) et en français dans mon article intitulé « Vade Retro Virus. Numéricité et Vitalité », paru dans la revue Terrain (63 : 103-121, 2015).

[10] « Ce n’est donc plus l’Humain qui pense le monde. Aujourd’hui, c’est l’Inhumain qui nous pense. Et pas du tout métaphoriquement, mais par une sorte d’homologie virale, par infiltration directe d’une pensée virale, contaminatrice, virtuelle, inhumaine. » Jean Baudrillard, « Vue imprenable » (1986) dans Cahiers de l’Herne. Baudrillard, dirigé par François L’Yonnet. Paris, Éditions de l’Herne, 2004, p. 176.

[11] À partir de Surveiller et punir (Paris : Gallimard, 1975)

[12] En particulier dans son « Post-scriptum sur les sociétés de contrôle » (paru dans le premier numéro de L’Autre Journal, en 1990).

[13] Gilbert Simond

Thierry Bardini

Sociologue et agronome, Professeur titulaire et directeur du département de communication de l’université de Montréal

Rayonnages

Politique

Mots-clés

Covid-19

Notes

[1] Talking Heads, « Once in a lifetime », 1980.

[2] À ce sujet, la référence est le livre de Jussi Parikka, Digital Contagions : A Media Archeology of Computer Viruses (Peter Lang, 2007).

[3] Le Guidon en françois d’après Sigurs.

[4] Dans ses Œuvres complètes, aux éditions Malgaigne, en 1575.

[5] Documents du 23 avril 1793, Recueil des Actes du Comité de Salut Public, édité par F. A. Aulard, t. 3, p. 418

[6] Ces deux derniers paragraphes reprennent et synthétisent un développement bien plus long paru sous le titre « Devenir animal et vie aérienne. Prolégomènes à une biologie transcendantale » dans la revue Chimère (73 : 109-125, 2010).

[7] Francis H. C. Crick, James D. Watson, « Molecular Structure of Nucleic Acids: A Structure for Deoxyribose Nucleic Acid », Nature, vol. 171, nº 4356, 25 avril 1953, p. 737. Voir mon papier intitulé « Variations sur l’insignifiant génétique : les métaphores du (non)code » (Intermédialités, 3: 163-186, 2004) pour un développement de ce point.

[8] Voir mon papier intitulé « Hypervirus : A Clinical Report » dans la revue en ligne CTheory, (http://www.ctheory.net) Février 2006.

[9] Plus en détails dans le chapitre 4 de mon livre Junkware (Presses de l’Université du Minnesota en 2011) et en français dans mon article intitulé « Vade Retro Virus. Numéricité et Vitalité », paru dans la revue Terrain (63 : 103-121, 2015).

[10] « Ce n’est donc plus l’Humain qui pense le monde. Aujourd’hui, c’est l’Inhumain qui nous pense. Et pas du tout métaphoriquement, mais par une sorte d’homologie virale, par infiltration directe d’une pensée virale, contaminatrice, virtuelle, inhumaine. » Jean Baudrillard, « Vue imprenable » (1986) dans Cahiers de l’Herne. Baudrillard, dirigé par François L’Yonnet. Paris, Éditions de l’Herne, 2004, p. 176.

[11] À partir de Surveiller et punir (Paris : Gallimard, 1975)

[12] En particulier dans son « Post-scriptum sur les sociétés de contrôle » (paru dans le premier numéro de L’Autre Journal, en 1990).

[13] Gilbert Simond