Le trauma du double coup dur – récit et contre-récit à l’heure de la Covid et de George Floyd

Brendan Hermanson, 51 ans, ouvrier du bâtiment depuis trente ans, a traversé la pandémie en bonne santé et avec un emploi. Chez lui, à Milwaukee, où il vit avec son fils adulte, il essaie de faire abstraction de la vie politique hostile du pays et se demande s’il devrait se donner la peine de voter à nouveau pour le président Trump en novembre ou « rester tranquillement assis et tout regarder s’effondrer ». […] L’expérience américaine vacille. « Tout est foutu », a déclaré M. Hermanson, qui est blanc. « Il me semble que nous ne sommes pas loin de la dégringolade. » […] Dans des entretiens avec une bonne vingtaine d’électeurs dans des États clés de la prochaine élection présidentielle, des républicains, des démocrates et des indépendants d’âges, de races et de classes sociales variés ont exprimé leur inquiétude face à la déroute de leur pays et aux problèmes qui se posent à lui et qu’aucune élection ne saurait résoudre facilement. Fortement polarisés sur les questions de santé publique, de sécurité publique, voire afférentes à la vérité elle-même, de nombreuses personnes font état d’une même anxiété collective[1].
Il y a quarante ans, dans A Distant Mirror, le récit terrifiant de Barbara Tuchman sur la façon dont la peste noire a baissé le rideau sur le Moyen Âge, l’auteure insistait sur le fait qu’ « un événement particulièrement tragique n’est supportable que dans la mesure où l’on croit qu’il apportera un monde meilleur ». Cependant, si « tel n’est pas le cas », affirmait-elle, alors « la désillusion, profonde, se transforme en doute et dégoût de soi ». Cet avertissement, lancé il y a plus de quatre décennies, décrit de manière frappante la situation actuelle. La préoccupation majeure de la plupart des Américains est de savoir si une Amérique meilleure émergera des traumas de la Covid et de la violence raciale, événements récemment qualifiés par Anthony Fauci de « double whammy » (double coup dur). Si les Américains n’estiment pas que leur calvaire a produit un