Société

Sortir du plan-séquence collapsologue ?

Chercheur en Lettres, Professeur de littérature et médias

Les réalisateurs de la série L’effondrement, diffusée l’an dernier sur Canal + ont fait le choix filmique du plan-séquence pour nous immerger dans la réalité (provisoirement fictionnelle) d’un écroulement de nos institutions et de nos infrastructures d’approvisionnement. Ce choix est révélateur de la façon dont est structuré l’imaginaire de la collapsologie, dans lequel nous a brièvement plongés le récent épisode viral. Apprendre à naviguer en « collapsonautes » les délitements en cours de nos sociétés thermo-industrielles implique de s’arracher à cet imaginaire en plan-séquence, pour mobiliser les ressources des arts du montage.

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La série L’effondrement, diffusée récemment sur Canal+ et accessible en partie sur YouTube, propose huit épisodes d’une vingtaine de minutes, réalisés chacun en un unique plan-séquence : la scène est tournée en une seule prise, s’interdisant toute coupe de montage, avec une virtuosité technique époustouflante, qui plonge la caméra, et donc les spectateur.es, au sein d’une scène de vie (ou de mort) en train de se réaliser comme « en temps réel ».

L’effondrement en série(s)

Le collectif de jeunes cinéastes Les Parasites a réalisé depuis 2013 des formats courts diffusés sur une chaine YouTube et produits essentiellement grâce à Tipee, plateforme de financement participatif. Souvent associées à des questionnements socio-politiques et au registre de l’anticipation, leurs créations précédentes trouvent une résonance cohérente dans leur premier travail télévisuel financé par la section Création décalée de la chaine câblée.

Si une web-série documentaire pionnière consacrée aux théories et aux pratiques du milieu collapsologue avait été initiée par Clément Monfort dans les deux saisons de Next, L’effondrement représente la première tentative télévisuelle française d’incarner l’imaginaire de la collapsologie dans une écriture fictionnelle audacieuse et saisissante.

L’objectif de Monfort et cie était essentiellement d’informer autour de la perspective effondriste, loin des radars médiatiques. Le but du travail des Parasites est plutôt de nous plonger dans une expérience affective et narrative d’un contexte d’écroulement systémique, de plus en plus discuté dans nos médias.

Par ailleurs, l’attention urgente à la question écologique ne concerne pas seulement les contenus de cette mini-série. Elle envahit également son atelier de fabrication, où tout aurait été disposé en prenant en considération l’impact environnemental de la création télévisuelle.

La préparation de L’effondrement se fait fort d’avoir respecté les principes d’une éco-production répondant à la réflexion


[1] Michael Haneke, Entretien proposé dans la version DVD du film Code inconnu, publiée par MK2.

[2] Hito Steyerl, « In Free Fall. A Thought-Experiment on Vertical Perspective » in The Wretched of the Screen, Berlin, Sternberg Press, 2012, p. 12-30.

[3] Pedro Costa, Où gît votre sourire enfoui, 2001, disponible dans le DVD n° 5 des œuvres de Huillet et Straub, Editions Montparnasse, 2010.

[4] Baptiste Morizot, Manières d’être vivant, Arles, Actes Sud, 2020, p. 239-287.

Jacopo Rasmi

Chercheur en Lettres, maître de conférences en arts visuels et études italiennes à l'Université Jean Monnet (Saint Etienne)

Yves Citton

Professeur de littérature et médias, Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, Co-directeur de la revue Multitudes

Rayonnages

Écologie

Notes

[1] Michael Haneke, Entretien proposé dans la version DVD du film Code inconnu, publiée par MK2.

[2] Hito Steyerl, « In Free Fall. A Thought-Experiment on Vertical Perspective » in The Wretched of the Screen, Berlin, Sternberg Press, 2012, p. 12-30.

[3] Pedro Costa, Où gît votre sourire enfoui, 2001, disponible dans le DVD n° 5 des œuvres de Huillet et Straub, Editions Montparnasse, 2010.

[4] Baptiste Morizot, Manières d’être vivant, Arles, Actes Sud, 2020, p. 239-287.