International

En Biélorussie, la longue tradition du rock anti-autoritaire

Sociologue

De nouvelles manifestations se sont déroulées en Biélorussie ce dimanche 15 novembre en hommage à Roman Bondarenko, jeune artiste battu à mort par les forces spéciales antiémeutes, après avoir tenté de protéger des fresques contestataires de la dégradation. Parmi les dizaines de milliers de Biélorusses qui s’opposent depuis trois mois à la réélection d’Alexandre Loukachenko, les artistes et spécifiquement les musiciens rock jouent un rôle majeur. Un engagement qui n’est pas nouveau.

Depuis les élections présidentielles du 8 août, de grandes manifestations contestataires secouent le Bélarus. Plus de 20 000 manifestants (près de 0,21 % de la population du pays, ce qui donnerait en France 140 700 personnes) ont été arrêtés et parfois torturés. Dans plusieurs entreprises des comités de grève se sont formés. Les élections ont été marquées par des fraudes à grande échelle, et la réélection d’Alexandre Loukachenko pour un sixième mandat n’a pas été reconnue par de nombreux gouvernements européens, ainsi que par plusieurs institutions de l’UE.

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Ce mouvement social a fourni une scène souvent improvisée aux nombreux musiciens rock biélorusses. Pour ne donner que quelques exemples, le chanteur Lavon Volski, fondateur de plusieurs groupes depuis les années 1980, dont les légendaires NRM (« République indépendante Rêve ») et Mroja (« Rêve »), a enregistré en août-septembre deux chansons aux titres et paroles évocateurs (« L’État rouillé » et « Ennemis du peuple ») et a joué et chanté dans le cadre de plusieurs manifestations à Minsk et Hrodna – villes particulièrement touchées par la contestation – y compris devant les grévistes de la télévision nationale et des hôpitaux.

Accompagné d’une guitare acoustique, son ancien camarade du NRM Pit Paŭlaŭ, lui, a interprété d’une manière provocatrice « Trois tortues », un « hit » du groupe des années 2000, au milieu d’une manifestation face à un cordon de police spéciale armée et a donné un concert pour les contestataires du quartier « Cascade » de Minsk. Devenu célèbre notamment grâce à la persistance avec laquelle les habitants affichaient de grands drapeaux blanc-rouge-blanc (symboles de l’opposition et de la contestation), systématiquement décrochés par les services de la ville aux ordres des autorités, ce quartier a également accueilli un concert acoustique d’un autre « vétéran » du rock biélorusse actif depuis le début des années 1980, leader des groupes Bonda (« morceau ») et ensuite Krama (« magasi


[1] Sur ces périodes de censure voir notamment : Yauheni Kryzhanouski, « “La censure est d’autant plus efficace qu’elle est interdite”. (Post-)censure de la musique contestataire en Biélorussie et en Russie », Communications, janvier 2020, p. 133-145 ; Yauheni Kryzhanouski, « Gouverner la dissidence : sociologie de la censure sous régime autoritaire contemporain. Le cas du rock contestataire biélorusse », Critique internationale, juillet-septembre 2017, p. 123-145.

[2] Yauheni Kryzhanouski, Contester par la musique sous régime autoritaire : rock et politisation en Biélorussie, thèse de doctorat en science politique, Université de Strasbourg, 2015.

Yauheni Kryzhanouski

Sociologue, Docteur en science politique

Notes

[1] Sur ces périodes de censure voir notamment : Yauheni Kryzhanouski, « “La censure est d’autant plus efficace qu’elle est interdite”. (Post-)censure de la musique contestataire en Biélorussie et en Russie », Communications, janvier 2020, p. 133-145 ; Yauheni Kryzhanouski, « Gouverner la dissidence : sociologie de la censure sous régime autoritaire contemporain. Le cas du rock contestataire biélorusse », Critique internationale, juillet-septembre 2017, p. 123-145.

[2] Yauheni Kryzhanouski, Contester par la musique sous régime autoritaire : rock et politisation en Biélorussie, thèse de doctorat en science politique, Université de Strasbourg, 2015.