Éducation

Réinventer le rôle de l’État en matière d’orientation scolaire

Sociologue et politiste, Sociologue

Depuis début novembre, les lycéens sont invités à préparer leur projet d’orientation et à remplir leur « fiche de dialogue » avant début décembre et le premier conseil de classe. Parcoursup est maintenant entré dans les mœurs, mais les critiques des effets de la réforme du système d’orientation, notamment en termes de sélection à l’entrée de l’université, demeurent. Un détour par la socio-histoire permet d’éclairer certains points du débat, tel la persistance du rôle ambigu de l’État depuis plusieurs décennies dans la fabrique des destinées scolaires.

Dans leur tribune publiée en octobre 2019 dans la revue Esprit « À bas la sélection ! Misère de la critique », Marie Duru-Bellat et François Dubet s’opposent à la critique de sociologues qui dénoncent l’introduction, par la loi Orientation et réussite des étudiants (ORE) et Parcoursup, de la sélection à l’entrée à l’université. La critique serait vaine d’après eux car elle masquerait la défense d’une sélection méritocratique et corporatiste qui préserverait le système des classements et des hiérarchies propres à l’ordre scolaire.

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S’il est légitime de souligner que la critique de Parcoursup n’apporte rien si elle dissimule, plutôt que de les énoncer, les mécanismes structurels des inégalités d’accès à l’enseignement supérieur, il nous semble en revanche contradictoire de s’appuyer sur cette mise en garde pour justifier la réforme récente du dispositif d’orientation. Créditer cette réforme du mérite de conduire les lycéens à interroger l’adéquation entre leurs bagages scolaires et leurs projets est pour le moins discutable : l’affichage de cet objectif n’est pas nouveau et, en toute hypothèse, il convient d’examiner les moyens qui y sont consacrés (la généralisation du recours au classement des candidats) et leurs effets (sélectifs).

De plus, discréditer toute critique au motif que cette réforme révèle le « vrai visage » de l’institution est pour le moins surprenant. Jusqu’à preuve du contraire, c’est par le débat argumenté que se construit la capacité à agir collectivement dans l’intérêt du plus grand nombre. De ce point de vue, disqualifier la critique sur le principe ne vaut pas mieux que critiquer la sélection sur de seuls motifs (supposés) corporatistes : l’un et l’autre finissent par naturaliser les finalités à l’œuvre dans les politiques d’orientation, et, finalement, à les occulter.

Cette tribune ne vise pas à nourrir une polémique entre chercheurs, mais plutôt à fournir un éclairage utile au débat public. Il s’agit d’évoquer un point souvent laissé


Paul Lehner

Sociologue et politiste, Maître de conférences contractuel en sciences de l'éducation à l'Université Cergy-Pontoise

Clément Pin

Sociologue, Chercheur au Laboratoire interdisciplinaire d'évaluation des politiques publiques (LIEPP)