Le Covid et le temps : « Who is in the driver’s seat » ?
« Les économistes sont présentement au volant de notre société, alors qu’ils devraient être sur la banquette arrière. »
John Maynard Keynes (1946)
Janvier 2020, c’était il y a un an : le Covid-19 était déjà là. Il avait déjà infecté la ville de Wuhan et il cheminait. Des foyers allaient se déclarer, bientôt l’OMS parlerait d’épidémie, puis déclarerait l’état de pandémie (11 mars). Il y a un an nous ne savions pas, et le monde occidental, pris à l’improviste, a mis un certain temps à vouloir puis à pouvoir voir ce qu’était et ce qu’allait entraîner ce nouvel agent pathogène : imprévu mais pas imprévisible. Un an après, sur lui et ses effets nous savons, assurément pas tout (loin s’en faut), puisqu’il est toujours aussi actif et meurtrier sinon plus, mais beaucoup, puisque les premiers vaccins vont enfin permettre de le contrer.
Loin des propos lénifiants ou bafouillants du début, loin des proclamations de résilience instantanée, loin des « reprises » guettées ou trop vite décrétées après quelques mois, très loin des dénégations façon Trump et ses émules, nous savons que nous sommes confrontés à une crise devenue un « fait social total », pour reprendre le concept de Marcel Mauss, et d’un fait social total mondial : il a « mis en branle » les sociétés et leurs institutions en leur « totalité ». Dans Les capitalismes à l’épreuve de la pandémie, son dernier livre, l’économiste Robert Boyer vient de démontrer la fécondité d’une telle approche. Plus limité est mon propos.
En effet, dans un précédent article « Troubles dans le présentisme » (AOC, 1er avril 2020), je m’efforçais de cerner à chaud ce que l’irruption du coronavirus venait modifier dans nos rapports au temps. Près d’un an après, qu’en est-il des temporalités inédites générées par lui, de celles qu’il a bouleversées ? D’autres ont-elles émergé depuis ? Les « troubles » dans le présentisme se sont-ils encore accentués ? Et, surtout, les conflits entre ces diverses temporalités se sont-ils aggravés ?