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Qui sont les Taliban ?

Politiste

Ce samedi 1er mai, l’armée américaine commencera à quitter l’Afghanistan, en vue d’un retrait définitif de toutes les forces américaines et étrangères avant la date symbolique du 11 septembre. Adversaires longtemps sous-estimés, les Taliban sont désormais en position de force et devraient s’imposer comme l’acteur politico-militaire majeur du pays. Mais après vingt ans de guerre acharnée, le mouvement a traversé différentes évolutions.

Le retrait occidental d’Afghanistan met les Taliban en position de prendre le pouvoir dans les prochains mois ou, à défaut, d’être le principal acteur politico-militaire d’une nouvelle phase de la guerre civile. Le moment est donc bien choisi pour rappeler ce que l’on sait – et ne sait pas – d’un mouvement qui, depuis sa formation en 1994, a souvent été mal compris, ce qui a grandement contribué à la défaite de l’OTAN. La nature du mouvement n’a pas d’ailleurs pas qu’un intérêt historique dans la mesure où les Taliban sont aujourd’hui un interlocuteur incontournable et que leur retour au pouvoir aurait des implications importantes pour la sécurité occidentale. Nous présenterons successivement quelques fausses idées sur le mouvement, son projet politique et, enfin, ses possibles évolutions.

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Comme l’ont montré les conflits contre le régime baasiste et l’État islamique, il est habituel pour les militaires occidentaux de surévaluer les forces adverses. Il est d’autant plus surprenant que la coalition, malgré une situation sécuritaire de plus en plus difficile, a continué pratiquement jusqu’à la décision de retrait de sous-estimer son ennemi. Le discours dominant – des experts jusqu’aux généraux otaniens en passant par les médias – a présenté le mouvement comme « chaotique », « inorganisé », « moyenâgeux ». En réalité – ce qui montre l’épaisseur du filtre idéologique – tous les éléments empiriques étaient là pour attester du contraire, notamment un système judiciaire bien organisé, un appareil de propagande efficace et une discipline interne raisonnablement respectée.

Ces faits reflètent la nature centralisée du mouvement et, en particulier, l’existence d’une direction soudée par une socialisation commune. En effet, les leaders talibans à l’origine de la formation du mouvement sont des religieux passés par les mêmes madrassas, en premier lieu la madrassa Haqqaniyya (située au Pakistan). La solidarité de ce groupe a permis la continuation du mouvement, même aprè


 

Gilles Dorronsoro

Politiste, Professeur de science politique à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, membre senior de l'IUF

Notes