Écologie

L’été de tous les records ? Éthique, écologie et conservation

Philosophe, Philosophe

Depuis une semaine, l’Ouest canadien est pris sous un « dôme de chaleur » et bat chaque jour des records de température, avoisinant les 50°C. Comme le montre le GIEC rapport après rapport, l’évaluation scientifique des conséquences écologiques et des implications politico-sociales de ce type d’« exploit » météorologique est catastrophique. Afin de mettre en œuvre les actions et politiques nécessaires pour y répondre, il est temps de considérer le rôle essentiel d’une éthique de l’environnement liée aux sciences de l’écologie et de la conservation.

Le 26 juin dernier, aux alentours de 16 heures, la station météorologique d’Environnement Canada située dans la ville de Lytton (ƛ’q’əmcín), en Colombie-Britannique, battait un record historique. Le record du jour le plus chaud de l’histoire récente du Canada : 46,9 degrés Celsius.

Dimanche, Lytton (ƛ’q’əmcín) surpassait de près de deux points les 45 degrés mesurés le 5 juillet 1937 dans deux villes du Saskatchewan, Midale et Yellow Grass. Ces chiffres ont une portée symbolique. L’un des territoires les plus froids de la Terre vient de mordre la ligne de ceux qui y sont les plus chauds. Aujourd’hui, de tels records surprennent encore. En tant que « records », ils peuvent même créer une étrange forme d’expectation. Jusqu’où l’explosion des limites climatiques du monde écologique peut-elle aller ? Après Lytton, quelle sera la suite ?

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Sur un plan scientifique, les températures relevées à Lytton (ƛ’q’əmcín) sont moins surprenantes bien qu’elles restent encore inhabituelles. L’analyse des relevés de température effectués par les météorologues entre 1948 et 2016 au-dessus du 60e parallèle Nord tend à indiquer, par exemple, une élévation des températures moyennes annuelles de 1,7 à 3 degrés Celsius suivant les zones considérées.

Surtout, l’évaluation scientifique des conséquences écologiques et des implications politico-sociales de ce type d’« exploit » météorologique est catastrophique [1]. Loin de l’éclat de certains records, les températures observées à Lytton (ƛ’q’əmcín) s’ajoutent à une interminable liste d’événements écologiques et climatiques qui peuvent être évalués négativement avec raison, justifiant alors une diversité d’actions et de politiques en faveur de ce qu’on appelle communément « l’environnement ». Partant de ce constat, ce texte appelle à considérer le rôle essentiel d’une éthique de l’environnement liée aux sciences de l’écologie et de la conservation pour penser et mettre en œuvre de telles actions.

Éthique de l’environnement, philosophie de l’écologie et écologie scientifique : quésaco ?

Dans la tradition philosophique occidentale, l’éthique de l’environnement prend ses origines aux États-Unis au début des années 1970, un peu après les débuts de l’éthique animale et quelques années avant les développements académiques de l’écoféminisme. Brièvement présentée, l’éthique de l’environnement s’intéresse au statut moral des entités naturelles non-humaines et aux devoirs moraux que ce statut génère. Proposée par le philosophe Richard Routley, l’éthique de l’environnement s’oppose aux éthiques occidentales héritières d’une pensée libérale, qui n’accordent de valeur morale qu’aux êtres humains et à certain·es d’entre elleux seulement.

L’éthique de l’environnement est donc loin d’être le pendant « environnemental » des éthiques libérales ou, pour le dire plus ouvertement, le volet « vert » des éthiques anthropocentristes. Elle est historiquement envisagée comme une éthique où la valeur et les intérêts des animaux non-humains, des espèces, des communautés écologiques, des écosystèmes doivent aussi faire partie de ce qui mérite d’être respectée, protégée, préservée.

Bien qu’elle ait à présent un peu plus de 50 ans, l’éthique de l’environnement est arrivée sur le tard dans le monde de la recherche francophone. En France, au Québec et dans la francophonie en général, celle-ci doit ses développements aux travaux de Catherine Larrère et Raphaël Larrère, puis plus récemment de Marie-Hélène Parizeau, Virginie Maris, Émilie Hache, Elena Casetta, Hicham-Stéphane Afeissa, Julien Delord, Baptiste Morizot, Pierre Charbonnier, Rémi Beau, etc. Malgré l’importance de ces travaux pour penser autrement notre rapport au monde écologique et à leurs occupant·es non-humains, l’éthique de l’environnement a encore aujourd’hui un statut institutionnel qui la rend quasiment inexistante au sein des départements de philosophie, des centres et instituts de recherche, et des programmes d’enseignement en France et au Québec.

Or, les liens entre les domaines de l’éthique de l’environnement et les sciences de l’écologie et de la conservation [2] s’avèrent encore moins bien représentés. Ceux-ci se révèlent pourtant essentiels dès lors qu’il s’agit d’informer la réflexion éthique sur la valeur, les droits et les intérêts des animaux non-humains, ainsi que ceux des entités biologiques et écologiques. Elle l’est également lorsqu’il s’agit de penser, discuter et délibérer sur les actions à envisager pour honorer ces valeurs, respecter ces droits, servir ou ne pas nuire à ces intérêts. Ces liens sont également fondamentaux – si ce n’est urgents à établir – pour analyser et orienter en retour la recherche effectuée dans les sciences de l’écologie et de la conservation.

La mise en dialogue de l’écologie, de la science de la conservation et de l’éthique de l’environnement vient néanmoins avec sa part de difficultés. Celle-ci présuppose, par exemple, une connaissance suffisante des technicités propres à chacune des disciplines impliquées et des problèmes qui, d’un côté ou de l’autre, justifient ou requièrent la mise en commun des savoirs, des expériences, des outils, et des méthodes de chacune d’elles. Elle présuppose également d’avoir les moyens d’analyse critique des ressources fournies par l’une ou l’autre communauté de recherche, à l’échelle des chercheuse·eurs, et au sein des communautés de recherche interdisciplinaires ainsi créées.

Dès lors qu’il s’agit d’allier ou d’intégrer les ressources de disciplines éloignées dans leurs pratiques et dans le type de connaissance qu’elles produisent, il paraît important d’assurer la présence d’un « pont épistémique » à partir duquel identifier les enjeux posés par cette mise en dialogue. Or, au moins quatre grands problèmes discutés en philosophie de l’écologie et en philosophie de la biologie [3] s’avèrent pertinents pour une collaboration entre l’éthique de l’environnement et les sciences de l’écologie.

Entités écologiques à protéger : de quoi parle-t-on ?

Le premier problème tient à la nature des entités visées par les politiques de protection environnementale : les espèces biologiques, les communautés écologiques (ensembles d’espèces en interaction) et les écosystèmes (systèmes de flux de matière et d’énergie). Il est possible de donner une idée générale des entités qui tombent sous ces termes à travers quelques exemples. Dans les zones rurales françaises, le loup gris, Canis lupus, le chêne pédonculé, Quercus robur, le Cèpe de Bordeaux, Boletus edulis, sont des cas connus d’espèces biologiques. La rivière-des-Mille-Îles dans les basses terres du fleuve Saint-Laurent, le parc national du Yellowstone au nord-ouest des États-Unis, certains regroupements d’espèces marines dans l’océan Pacifique ou dans les zones littorales de l’Amérique du Nord, les boisés qui font l’objet de luttes politiques, comme la forêt de Rohanne près de Notre-Dame-des-Landes ou le bois Lejuc près de Bure, constituent des cas variés de communautés écologique ou d’écosystèmes.

Donner une caractérisation satisfaisante des entités désignées par ces concepts d’espèce, de communauté et d’écosystème tels qu’utilisés par les scientifiques constitue pourtant un beau défi philosophique. Les espèces sont-elles des individus biologiques comme les organismes, des catégories plus ou moins définies d’organismes, des processus évolutionnaires [4] ? Les communautés écologiques sont-elles de simples assemblages fortuits de populations n’ayant que des liens d’interdépendance faibles, ou sont-elles des entités réelles, d’un ordre ontologique supérieur, voire des « superorganismes [5] » ? Les écosystèmes possèdent-ils des propriétés émergentes – c’est-à-dire, possèdent-ils des propriétés non-réductibles à celles de leurs composants biotiques (par exemple, les organismes de diverses espèces) ou abiotiques [6] (par exemple, les roches qui composent les sols, les phénomènes biophysiques comme les marées, etc.) ?

En dépit de la technicité et de la dimension abstraite de ces questions, les réponses que tentent de leur donner les philosophes de la biologie et de l’écologie ont des implications bien concrètes pour les objectifs de préservation, de restauration et de gestion environnementale.

Ainsi, les philosophes de l’environnement et les scientifiques peuvent par exemple appeler à lutter contre l’extinction d’espèces biologiques pour des raisons éthiques, politiques ou à des fins de recherche. Le sens de cet appel et les politiques qui se proposent d’y donner suite peuvent cependant être de natures très différentes suivant le concept d’espèce adopté. Par exemple, si une espèce biologique est envisagée comme un ensemble de caractéristiques génétiques particulières, alors lutter contre l’extinction d’espèces peut se limiter à la préservation d’un certain type de matériel et d’information génétique. Elle n’implique pas nécessairement de garantir le maintien de populations d’organismes spécifiques ni de préserver de quelconques communautés écologiques.

En revanche, si une espèce est comprise comme une entité individuelle ou collective dont le caractère unique dépend de son contexte écologique d’évolution, il devient impossible de détacher la lutte contre l’extinction d’espèces des luttes de la disparition de leurs populations et des communautés écologiques propres à soutenir ce processus d’évolution. Il en va de même pour les communautés ou les écosystèmes.

Suivant la conception adoptée, la justification et l’élaboration des politiques environnementales prendra très certainement une forme différente, nécessitant entre autres de spécifier en quel sens les concepts de communauté et d’écosystème sont employés.

Le débat autour de « l’équilibre de la nature »

Un deuxième enjeu important qui justifie la mise en relation de l’éthique de l’environnement, de la philosophie de l’écologie et des sciences de l’écologie concerne les débats qui ont cours sur « l’équilibre de la nature ».

Une vision classique et assez intuitive du monde écologique, qui remonte au moins à Carl von Linné et à son idée d’une Économie de la Nature [7], est celle d’un équilibre naturel plus ou moins providentiel dans lequel chaque espèce aurait une place bien définie ou une fonction à accomplir. Cette idée, qui précède d’un peu plus d’un siècle l’invention par Ernst Haeckel du mot « écologie [8] », semble être une inspiration sous-jacente à plusieurs hypothèses influentes en écologie, influence qui s’étend au champ de la conservation environnementale.

L’une de ces hypothèses affirme par exemple que les interactions entre les espèces (mutualisme, compétition, prédation, parasitisme, etc.) assurent la régulation du nombre d’individus au sein de leurs populations et garantit ainsi la stabilité (« l’équilibre ») de la communauté. Une autre hypothèse envisage les communautés et les écosystèmes en termes de succession écologique. Cette hypothèse, notamment développée par l’écologue Frederic Clements [9] au début du XXe siècle, conçoit les communautés comme progressant normalement vers un état relativement stable appelé « climax ».

Or ces hypothèses et l’idée intuitive d’équilibre de la nature s’accordent avec une conception environnementaliste courante : les activités humaines sont problématiques sur le plan écologique en raison de leur tendance à compromettre ou à perturber cet équilibre.

Depuis les années 1970, l’idée d’une nature en équilibre a été fortement remise en question par certains courants de l’écologie scientifique. C’est le cas de l’écologie des « flux de la nature » et de l’écologie des perturbations. Plusieurs écologues insistent par exemple sur le fait que ce n’est pas l’équilibre, mais plutôt le déséquilibre qui caractériserait l’état habituel des communautés et des écosystèmes. D’autres défendent que les perturbations (les feux de forêt, les ouragans, etc.) font partie d’une dynamique écologique normale [10] et que les changements observables dans les communautés et les écosystèmes suivent une trajectoire contingente non orientée vers un climax.

Les implications de ces débats pour le domaine de la conservation et de l’éthique de l’environnement sont assez évidentes. S’il n’y a pas d’équilibre de la nature, si les perturbations sont inhérentes à la dynamique des communautés et des écosystèmes, et si ces derniers changent de manière contingente, qu’y a-t-il à préserver dans la nature ? De même, comment est-il alors possible de défendre une éthique de l’environnement dirigée vers la préservation et la restauration des communautés et des écosystèmes ? Tenir compte de ces débats est, dans les deux cas, déterminants. Clarifier les limites de chacune des approches scientifiques en présence l’est également.

En effet, ce que les débats sur l’équilibre et le déséquilibre en écologie mettent clairement en évidence est la dimension épistémologique des questions environnementales. Plusieurs concepts majeurs mobilisés dans le débat sur l’équilibre en écologie sont sujets à interprétation, de sorte qu’il devient risqué d’en tirer des implications normatives sans s’appuyer sur une investigation philosophique plus approfondie de ces concepts [11]. Les articles scientifiques qui portent sur l’équilibre et le déséquilibre en écologie témoignent de cet écart.

Or, en considérant seulement que le sens de ces termes varie à travers les usages qu’en font les scientifiques, on voit aisément qu’il ne peut y avoir de réponse catégorique et univoque à la question de savoir si les écosystèmes sont ou non en équilibre. Il n’est pas possible non plus d’affirmer de manière catégorique qu’il est souhaitable ou non, d’un point de vue éthique, de préserver ou de restaurer l’équilibre des communautés et des écosystèmes.

Protéger les espèces, les communautés et les écosystèmes : un seul et même objectif ?

Un troisième enjeu, qui intéresse tout à la fois l’écologie scientifique, l’éthique de l’environnement et la philosophie de l’écologie, est la relation entre deux objectifs courants en conservation : la préservation des espèces biologiques et la préservation des communautés écologiques et des écosystèmes.

À un niveau d’analyse très général, il semble y avoir adéquation entre ces deux objectifs. Sans espèces, il n’y a pas de communautés ni d’écosystèmes, et vice-versa. Lorsqu’on entre dans les détails, le degré de convergence entre ces objectifs devient plus délicat à établir.

À quel point les populations d’espèces d’une même communauté écologique dépendent les unes des autres est un élément central de discussion. Certaines approches en écologie conçoivent cette interdépendance de manière générique. Dans cette perspective, les espèces dépendent de la présence d’autres espèces, mais pas de la présence d’espèces particulières – l’espèce A dépend présentement de l’espèce B, mais d’éventuelles espèces C et D pourraient jouer un rôle équivalent par rapport à A. D’autres approches envisagent ces liens de dépendance de manière plus spécifique, c’est-à-dire elles considèrent que la plupart des espèces dont dépend une espèce donnée sont irremplaçables. Ici, il n’existe pas d’espèces C et D qui pourraient se substituer à B.

Dans le premier cas, la préservation d’une espèce pourra souvent se faire sans que cela ne nécessite la préservation intégrale de sa communauté. Réciproquement, la préservation d’une communauté ou d’un écosystème sera compatible avec le remplacement de certaines des espèces par des espèces jugées « équivalentes » sur le plan fonctionnel. Dans le deuxième cas, à l’inverse, le caractère irremplaçable des espèces, à la fois pour la préservation des espèces et le maintien de leur communauté, impliquera logiquement une convergence plus forte entre les deux objectifs de conservation.

Le degré de convergence attendu entre ces deux objectifs influence nettement l’évaluation éthique des politiques de gestion, de préservation et de restauration environnementale. Par exemple, la gestion des espèces non-natives ou les projets de « colonisation assistée », dans le cas d’espèces qui ne peuvent plus persister dans leur environnement historique, ne présentent pas les mêmes défis si l’on considère qu’une espèce qui s’établit dans un nouvel écosystème risque de nuire à cet écosystème, ou si on pense que cette espèce peut potentiellement s’intégrer à son nouvel environnement sans modifier significativement les dynamiques écologiques de la communauté en présence, voire d’assurer les chances de persistance de cette dernière et de ses autres espèces [12].

Le fossé (contesté) entre sciences de l’écologie et éthique de l’environnement

Un quatrième et dernier enjeu est le rapport entre faits et valeurs dans l’incidence qu’a celui-ci sur les formes de dialogue ou d’influence mutuelles possibles entre les sciences de l’écologie et de la conservation et l’éthique de l’environnement.

Une vision classique de la science conçoit celle-ci comme l’étude des faits à propos de la nature ou du monde social, étude devant être menée d’une manière largement indépendante de considérations éthiques et des valeurs qui marquent le contexte social dans lequel les scientifiques pratiquent leur activité de recherche. Un premier défi posé par cette conception de la science est qu’au regard de l’importance que semble avoir la science écologique et de la conservation pour l’éthique de l’environnement, celle-ci soulève la question de ce qui constitue un passage « licite » des faits aux normes dans l’argumentation en faveur (ou en défaveur) de certaines éthiques de l’environnement. Ce passage constitue-t-il nécessairement un « sophisme naturaliste » ? Autrement dit, conduit-il à effectuer une inférence fallacieuse de ce qui est – les « faits » – à ce qui devrait être – les « normes » ?

Une voie possible d’évitement consiste à critiquer cette vision de la recherche scientifique comme devant rester neutre vis-à-vis de certaines valeurs sociales et, en particulier, de certaines valeurs éthiques, et à remettre en question l’idée qu’il existerait un fossé infranchissable entre les faits et les normes éthiques.

Ce type de critique, qui doit énormément au travail et à la ténacité des scientifiques et philosophes féministes des sciences pour se faire entendre de leurs communautés de recherche respectives [13], permet à la fois de repenser les espaces de collaboration entre scientifiques et philosophes, et ouvre évidemment un tout autre ensemble de questions. Les valeurs et l’éthique peuvent-elles ou doivent-elles jouer un rôle en science au-delà de l’influence que celles-ci peuvent avoir sur le choix des problèmes ou des phénomènes à étudier ? Autre exemple, l’éthique de l’environnement peut-elle légitimement orienter la définition des concepts utilisés en écologie ou en biologie de la conservation, les objectifs de recherche qui leur sont associés, voire informer le degré de crédibilité accordé à certaines hypothèses ?

À un niveau plus pratique, ces questions intéressent également l’action militante en ce qu’elles questionnent le degré d’indépendance et d’interdépendance entre celle-ci et la recherche effectuée en écologie et les actions de conservation environnementale. Les sciences de l’écologie s’intéressent en effet à des entités qui sont au centre de controverses politiques, sociales et sociétales, lesquelles impliquent tout à la fois, et de façon plus ou moins hétérogène, des collectif de lutte autochtones, des groupes d’action directe, des associations citoyennes et étudiantes, mais aussi les pouvoirs politiques en présence et des groupes privés aux intérêts plus institutionnalisés dont les activités ont de lourds impacts environnementaux, comme les entreprises extractivistes, les promoteurs immobiliers, les lobbys agricoles, les GAFAM, etc.

Cette portée sociale et politique de la conservation environnementale affecte parfois l’agenda de la recherche écologique. « Comment l’écologie scientifique et les sciences de la conservation peuvent soutenir les actions en faveur des entités qu’elles étudient et visent dans certains cas à protéger ? » est clairement une question importante. Un problème tout aussi fondamental est de déterminer dans quelle mesure une « convergence des intérêts » entre certain·es de ces actrice·eurs et les communautés de recherche scientifique peut affecter la scientificité de la recherche menée en écologie et en biologie de la conservation.

Favoriser la création de communautés de recherche propices à un dialogue et un travail de collaboration entre écologues, biologistes de la conservation, philosophes des sciences et d’éthicienne·iens de l’environnement est donc à la fois une nécessité et un besoin urgent au sein des espaces de recherche publics francophones.

NDLR : Antoine C. Dussault et Ely Mermans ont codirigé l’ouvrage Protéger l’environnement. De la science à l’action, avec une préface de Barbara Stiegler, récemment publié aux Éditions Matériologiques.

 


[1] Voir par exemple, le dernier rapport conjoint du GIEC et de l’IPBES. Hans Otto-Portner et al., « Scientific outcome of the IPBES-IPCC co-sponsored workshop on biodiversity and climate change » (PDF), 24 juin 2021, consulté le 28 juin 2021.

[2] La biologie de la conservation est une discipline scientifique dont le mandat historique est d’offrir des moyens concrets de maintien de la diversité biologique ou « biodiversité » dans un contexte de crise écologique. Les principes directeurs et les valeurs de la biologie de la conservation ont été définis par Michael Soulé au début des années 1980 et influencent encore aujourd’hui les discussions sur le rôle et les objectifs de la discipline. Michael E. Soulé. « What Is Conservation Biology? », BioScience n° 11, 1985.

[3] La philosophie de l’écologie et la philosophie de la biologie appartiennent au domaine de la philosophie des sciences. Toutes deux s’intéressent aux questions posées par les concepts, les théories, les méthodes, les valeurs, etc., qui soutiennent ou peuvent influencer la recherche menée dans les sciences de l’écologie et de la biologie.

[4] Pour une analyse du débat sur le concept d’espèce au sein de la philosophie de la biologie et dans les sciences de la biologie, voir Thomas A. C. Reydon. « On the nature of the species problem and the four meanings of ‘species’ », Studies in History and Philosophy of Science Part C: Studies in History and Philosophy of Biological and Biomedical Sciences n° 1, mars 2005.

[5] Donato Bergandi. « Les métamorphoses de l’organicisme en écologie : De la communauté végétale aux écosystèmes », Revue d’histoire des sciences n° 1, 1999.

[6] Donato Bergandi. « Fundamentals of Ecology de E. P. Odum : véritable “approche holiste” ou réductionnisme masqué ? », Bulletin d’écologie n° 1, 1993.

[7] Frank N. Egerton. « Économie de la nature », dans Dictionnaire du darwinisme et de l’évolution, vol. 1, PUF, 1996.

[8] Voir par exemple : Pascal Acot, Histoire de l’écologie, PUF, 1988.

[9] Frederic E. Clements, Plant succession: an analysis of the development of vegetation, Carnegie Institution of Washington, 1916.

[10] Steward T Pickett et P. S White, The Ecology of Natural Disturbance and Patch Dynamics, Orlando Academic Press, 1985.

[11] Voir par exemple Jay Odenbaugh, « Ecological Stability, Model Building, and Environmental Policy: A Reply to Some of the Pessimism », Philosophy of Science, n° 3, 2001.

[12] Voir par exemple le cas du Pika d’amérique (Ochotona princeps) discuté par la philosophe Clare Palmer, « Assisting Wild Animals Vulnerable to Climate Change: Why Ethical Strategies Diverge », Journal of Applied Philosophy, n<° 2, 2021.

[13] Pour une introduction en français à la philosophie féministe des sciences, voir Stéphanie Ruphy. « Rôle des valeurs en science : contributions de la philosophie féministe des sciences », Écologie & politique, n° 1, 2 octobre 2015.

Antoine C. Dussault

Philosophe, Professeur de philosophie au Collège Lionel-Groulx (Sainte-Thérèse, Québec), chercheur au Cirst et au Cré à Montréal, membre associé de l'IHPST à Paris

Ely Mermans

Philosophe, Doctorant·e en philosophie, chercheuseur au Cirst à Montréal et à l'IHPST à Paris, cofondateurice et coordinateurice du Groupe de recherche en éthique environnementale et animale (Gréea)

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Notes

[1] Voir par exemple, le dernier rapport conjoint du GIEC et de l’IPBES. Hans Otto-Portner et al., « Scientific outcome of the IPBES-IPCC co-sponsored workshop on biodiversity and climate change » (PDF), 24 juin 2021, consulté le 28 juin 2021.

[2] La biologie de la conservation est une discipline scientifique dont le mandat historique est d’offrir des moyens concrets de maintien de la diversité biologique ou « biodiversité » dans un contexte de crise écologique. Les principes directeurs et les valeurs de la biologie de la conservation ont été définis par Michael Soulé au début des années 1980 et influencent encore aujourd’hui les discussions sur le rôle et les objectifs de la discipline. Michael E. Soulé. « What Is Conservation Biology? », BioScience n° 11, 1985.

[3] La philosophie de l’écologie et la philosophie de la biologie appartiennent au domaine de la philosophie des sciences. Toutes deux s’intéressent aux questions posées par les concepts, les théories, les méthodes, les valeurs, etc., qui soutiennent ou peuvent influencer la recherche menée dans les sciences de l’écologie et de la biologie.

[4] Pour une analyse du débat sur le concept d’espèce au sein de la philosophie de la biologie et dans les sciences de la biologie, voir Thomas A. C. Reydon. « On the nature of the species problem and the four meanings of ‘species’ », Studies in History and Philosophy of Science Part C: Studies in History and Philosophy of Biological and Biomedical Sciences n° 1, mars 2005.

[5] Donato Bergandi. « Les métamorphoses de l’organicisme en écologie : De la communauté végétale aux écosystèmes », Revue d’histoire des sciences n° 1, 1999.

[6] Donato Bergandi. « Fundamentals of Ecology de E. P. Odum : véritable “approche holiste” ou réductionnisme masqué ? », Bulletin d’écologie n° 1, 1993.

[7] Frank N. Egerton. « Économie de la nature », dans Dictionnaire du darwinisme et de l’évolution, vol. 1, PUF, 1996.

[8] Voir par exemple : Pascal Acot, Histoire de l’écologie, PUF, 1988.

[9] Frederic E. Clements, Plant succession: an analysis of the development of vegetation, Carnegie Institution of Washington, 1916.

[10] Steward T Pickett et P. S White, The Ecology of Natural Disturbance and Patch Dynamics, Orlando Academic Press, 1985.

[11] Voir par exemple Jay Odenbaugh, « Ecological Stability, Model Building, and Environmental Policy: A Reply to Some of the Pessimism », Philosophy of Science, n° 3, 2001.

[12] Voir par exemple le cas du Pika d’amérique (Ochotona princeps) discuté par la philosophe Clare Palmer, « Assisting Wild Animals Vulnerable to Climate Change: Why Ethical Strategies Diverge », Journal of Applied Philosophy, n<° 2, 2021.

[13] Pour une introduction en français à la philosophie féministe des sciences, voir Stéphanie Ruphy. « Rôle des valeurs en science : contributions de la philosophie féministe des sciences », Écologie & politique, n° 1, 2 octobre 2015.