Écologie

Les multiples défis de nos planétarités

Professeur de littérature et médias, Journaliste et auteur

Alors que le télescope spatial James Webb vient d’être mis en orbite grâce à Ariane 5 pour rejoindre son poste d’observation à 1,5 million de kilomètres de la Terre et s’apprête à ouvrir mille nouveaux horizons de connaissance, nos débats électoraux nous emprisonnent dans un monde rabougri par un repli souverainiste, sécuritaire et réactionnaire. D’où l’importance, en 2022, de prendre la mesure de nos inéluctables planétarités à venir.

La notion de « planétarité » a le double avantage de « faire image » dans notre tête et de nous ouvrir l’esprit à une pluralité de visions du monde, du globe, de la Terre, de Gaïa. Quel que soit le terme utilisé pour dénommer notre planète, tenter d’en figurer la forme et l’à-venir, avec ses animaux et ses éléments physico-chimiques, ses êtres et ses agents, ses plantes et ses phénomènes cosmologiques nous incite à la pensée et, peut-être, à l’action. Face aux incendies, aux inondations et aux pandémies qui nous attendent sans aucun doute au coin de la rue comme de la forêt, nos devenirs planétaires dépendent des façons dont nous nous serons imprégnés, orientés par nos rêves et nos cauchemars, nos peurs et nos espoirs, nos sciences et ces mythologies que nous ne cessons de réinventer…

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Monde, globe, géopolitique, Terre, Gaïa

Commençons par poser et éclairer les différences de vocabulaire. Le monde est ce qui fait sens du point de vue autocentré d’une certaine culture : les individus et les collectifs humains se construisent des mondes pluriels à l’intérieur d’un même environnement, selon les systèmes symboliques qu’ils ont développés pour s’y orienter. Le défi du multiculturalisme tient à reconnaître qu’entre voisin·es au sein d’une même ville, nous vivons souvent dans des mondes différents.

Ce que nos usages actuels désignent par le terme de globe reste centré sur les valeurs humaines, et plus particulièrement sur des modes de valorisations économiques et financières qui s’appliquent maintenant à travers les cultures et tous les continents. Comme le dit Dipesh Chakrabarty, « l’histoire de la globalisation place les humains en son centre et raconte comment les humains ont forgé historiquement un sens humain du globe[1] ». La globalisation poursuit (et parfois renverse) une expansion coloniale qui se mène à coup de conquêtes financières et de dépendances logistiques.

Ce qu’il est convenu d’appeler la géopolitique se propose depuis plus d’un siècle de traduir


[1] Dipesh Chakrabarty, « The Planet: An Emerging Humanist Category », Critical Inquiry, n° 46-1, 2019, p. 5.

[2] Dipesh Chakrabarty, « La planète ne nous renvoie pas notre regard », entretien avec Mathieu Potte-Bonneville, Magazine du Centre Pompidou, 11 novembre 2020.

[3] Isabelle Stengers, Au temps des catastrophes. Résister à la barbarie qui vient, Paris, La Découverte, 2013.

[4] Lukáš Likavčan, Introduction to Comparative Planetology, Moscou, Strelka Press, 2019.

[5] Planète interdite (Forbiden Planet) est un film américain réalisé par Fred McLeod Wilcox et sorti sur les écrans en 1956, classique de l’âge d’or du genre.

[6] Moins connu, Planète hurlante (Screamers), est un film de SF canado-américano-japonais dystopique réalisé par Christian Duguay, sorti en 1995. C’est l’adaptation de la nouvelle « Nouveau Modèle » de Philip K. Dick, publiée en mai 1953.

[7] La Planète des singes, classique d’entre les classiques tiré du roman éponyme de Pierre Boule, de Franklin Schaffner avec Charlton Heston, est sorti en 1968.

[8] La Planète sauvage est un film d’animation de science-fiction français réalisé par René Laloux, sorti en 1973, librement inspiré du roman Oms de Stefan Wul.

[9] William E. Connolly, Facing the Planetary: Entangled Humanism and the Politics of Swarming, Durham, Duke University Press, 2017, p. 4.

[10] Voir Timothy Morton, Hyperobjets, Saint-Étienne, ESADSE, 2017.

[11] Voir Tega Brain, « The Environment Is Not a System », Aprja, 2019, et Franco Berardi, A Phenomenology of the End, New York, Semiotexte, 2015 (traduction française annoncée aux Presses de l’université de Vincennes).

[12] Chakrabarty, « La planète ne nous renvoie pas notre regard », art. cit.

[13] Benjamin Bratton, La Terraformation 2019, Dijon, Presses du réel/ArTeC, 2021.

[14] Ingrid Diran & Antoine Traisnel, « The Birth of Geopower », Diacritics, n° 47-3, 2019, p. 45.

[15] Lionel Manga, Postface à Benjamin Bratton, La Terraformation 2019, Dijon, Presses du réel/ArTeC, 2021.

[16] Voir

Yves Citton

Professeur de littérature et médias, Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, Co-directeur de la revue Multitudes

Ariel Kyrou

Journaliste et auteur

Rayonnages

Société Écologie

Mots-clés

AnthropocèneClimat

Notes

[1] Dipesh Chakrabarty, « The Planet: An Emerging Humanist Category », Critical Inquiry, n° 46-1, 2019, p. 5.

[2] Dipesh Chakrabarty, « La planète ne nous renvoie pas notre regard », entretien avec Mathieu Potte-Bonneville, Magazine du Centre Pompidou, 11 novembre 2020.

[3] Isabelle Stengers, Au temps des catastrophes. Résister à la barbarie qui vient, Paris, La Découverte, 2013.

[4] Lukáš Likavčan, Introduction to Comparative Planetology, Moscou, Strelka Press, 2019.

[5] Planète interdite (Forbiden Planet) est un film américain réalisé par Fred McLeod Wilcox et sorti sur les écrans en 1956, classique de l’âge d’or du genre.

[6] Moins connu, Planète hurlante (Screamers), est un film de SF canado-américano-japonais dystopique réalisé par Christian Duguay, sorti en 1995. C’est l’adaptation de la nouvelle « Nouveau Modèle » de Philip K. Dick, publiée en mai 1953.

[7] La Planète des singes, classique d’entre les classiques tiré du roman éponyme de Pierre Boule, de Franklin Schaffner avec Charlton Heston, est sorti en 1968.

[8] La Planète sauvage est un film d’animation de science-fiction français réalisé par René Laloux, sorti en 1973, librement inspiré du roman Oms de Stefan Wul.

[9] William E. Connolly, Facing the Planetary: Entangled Humanism and the Politics of Swarming, Durham, Duke University Press, 2017, p. 4.

[10] Voir Timothy Morton, Hyperobjets, Saint-Étienne, ESADSE, 2017.

[11] Voir Tega Brain, « The Environment Is Not a System », Aprja, 2019, et Franco Berardi, A Phenomenology of the End, New York, Semiotexte, 2015 (traduction française annoncée aux Presses de l’université de Vincennes).

[12] Chakrabarty, « La planète ne nous renvoie pas notre regard », art. cit.

[13] Benjamin Bratton, La Terraformation 2019, Dijon, Presses du réel/ArTeC, 2021.

[14] Ingrid Diran & Antoine Traisnel, « The Birth of Geopower », Diacritics, n° 47-3, 2019, p. 45.

[15] Lionel Manga, Postface à Benjamin Bratton, La Terraformation 2019, Dijon, Presses du réel/ArTeC, 2021.

[16] Voir