Géopolitique des paiements : le précédent russe
Alors que depuis des années les pays occidentaux craignent les attaques des hackers russes qui pourraient nuire au processus démocratique, ce sont des gestionnaires de réseaux numériques occidentaux qui viennent de porter un coup sérieux au bon fonctionnement de l’économie de ce pays. En effet, devant la brutalité glaçante de l’invasion ukrainienne, des institutions privées ont immédiatement réagi en excluant les principales banques russes des canaux essentiels, aussi bien au niveau national qu’international.
Alors que dans le domaine monétaire, on se focalisait beaucoup sur un nouveau type de véhicule (bitcoin et cryptomonnaies), on a fini par négliger le rôle essentiel que tiennent toujours les autoroutes des paiements au niveau mondial. Finalement, ce sont des institutions « historiques », nées pendant les trente glorieuses et la guerre froide, qui se sont immédiatement positionnées pour freiner les liens commerciaux avec la Russie.

Alors que certains s’interrogent sur la future cryptomonnaie à mettre en place sur Mars[1], les files d’attente devant les guichets bancaires montrent bien que pour les populations, la « bonne monnaie » demeure la monnaie officielle, imprimée et tangible. Ainsi, l’actualité renouvelle les questions de souveraineté numérique et monétaire : dans ce domaine, les stratégies des acteurs évoluent entre tendances longues, innovations et tensions.
La constitution des réseaux de paiement au temps des deux blocs
Il y a 25 ans, lorsque l’écrivain de science-fiction William Gibson était questionné sur sa définition du mot cyberespace, inventé dans le roman Neuromancien, il utilisait l’image suivante : « le cyberespace, c’est là où la banque garde votre argent, car ce ne sont que des transferts électroniques ». Illustration pertinente : avant l’irruption des messageries et des smartphones, avant l’essor des Big techs ou du Metaverse, la relation privilégiée des consommateurs avec le virtuel passait par la tenue de leurs comptes bancaires