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Les percées rampantes de l’armée ukrainienne – Ukraine : le temps des doutes 2/2

Ancien député européen (Vert)

La contre-offensive ukrainienne, commencée début juin, se poursuit à son rythme. Marquée par un changement de tactique – la guerre en rampant, avec des bonds en avant technologiques sur mer et dans les airs –, elle commence seulement à porter ses fruits.

L’été a vu s’affronter non seulement Russes et Ukrainiens, mais les doctrines militaires au sein du « camp pro-ukrainien ». Dans la presse ont fuité de lourdes critiques d’une partie de l’establishment US (et sans doute otanien) contre la tactique et la stratégie ukrainienne.

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Ces critiques se développent en trois volets :

– La contre-offensive ukrainienne se disperse en trop de fronts au lieu de se focaliser sur un point central (« centre de gravité » chez Clausewitz).

– Elle n’utilise pas sur ce point central la quinzaine de brigades formées et équipées par l’Otan pendant l’hiver et le printemps.

– Du coup elle n’aura que peu avancé quand la bloquera la raspoutitsa d’automne.

La réponse ukrainienne est la sanction des faits :

– L’offensive printemps-hiver des Russes n’ayant pas culminé partout, elle se poursuit à l’été et encore à l’automne en au moins trois endroits : l’extrême nord-est (ligne Kreminna-Svatove-Koupiansk), et deux points de la banlieue de Donetsk à l’est, Avdiivka et Marïnka, que l’Ukraine ne peut pas abandonner bien que non-stratégiques pour elle, car une percée russe pourrait avoir des conséquences désastreuses. En fait, la seule initiative ukrainienne de « dispersion de ses forces » est la controffensive à Bakhmout : on y reviendra.

– Au sud, véritable « centre de gravité », c’est précisément l’école Otan qui a échoué début juin devant les formidables fortifications édifiées par les Russes pendant l’hiver-printemps, et leur tactique de défense flexible. L’Otan ne sait tout simplement pas comment enlever une telle ligne défensive (on l’avait déjà vu à Bassora pendant la guerre du Koweït). Les Ukrainiens, condamnés en outre à mener une offensive sans aviation d’appui et sans supériorité de l’artillerie (du jamais vu depuis 1918 et le percement de la ligne Hindenburg) ont dû inventer une autre tactique, à pied et en rampant, qui commence seulement (en septembre) à porter ses fruits : on y reviendra.

– Du coup, la raspoutitsa d’automne est à relativiser. Ne pas se focaliser sur les vieux films montrant les camions allemands enlisés dans la boue en 1941. Ella n’a jamais vraiment gêné les manœuvres de l’Armée rouge (cf la chevauchée des chars de Vatoutine surgissant en quelques heures du front de la Baltique pour bloquer l’offensive allemande sur la Haute Volga en octobre 1941, prélude à la victoire de Moscou, et encore plus significative, au même moment, la contre-offensive de Timochenko à partir de Rostov-sur-le-Don). Elle n’a pas empêché l’armée ukrainienne de chasser les Russes de la rive droite du Dniepr à l’automne dernier. Elle gênera encore moins une offensive progressant à pied, qui aura plus à craindre d’une tempête de neige.

– Ce que demandent les Ukrainiens à l’Otan, ce ne sont pas des conseils, ni des chars dont elle n’a pas encore l’usage, mais de l’artillerie et de l’aviation d’appui au sol. Aviation qu’on lui refuse, artillerie qu’elle reçoit toujours au compte-gouttes, sauf les moyens de contrebatterie (la possibilité de riposter sur des canons qui viennent de se démasquer en tirant) : là, la parité semble atteinte voire dépassée au profit des Ukrainiens. On y reviendra.

Mais d’abord, un peu de géographie.

La géographie du front

La zone toujours occupée par la Russie à l’issue des contre-offensives ukrainiennes de 2022, forme un L en miroir : une zone est, et une zone sud, à laquelle est accrochée la Crimée.

Le front sur la zone est (la barre verticale du L) est approximativement une ligne droite nord-sud, sans pratiquement plus de saillant, plus de point clef stratégiquement évident. Les offensives russes visent à en récréer un, à Lyman au nord et à Mar’ïvka au sud, ou à liquider un vieux petit saillant ukrainien, Avdiivka.

La zone sud (la barre horizontale du L) est limitée au sud par la mer d’Azov et la mer Noire séparées par la Crimée, et sur le tiers du nord-ouest par le Dniepr. Au nord de la zone, le front court de Kamianske, sur l’ex-rive du lac de barrage du Dniepr (donc au premier tiers de la zone), jusqu’à Vouhledar, un petit peu à l’ouest du coin du L.

Il est essentiel de noter que la Crimée s’arrime à ce tiers de l’ouest, et même à mi-chemin à l’ouest de la longitude nord-sud Kamianske-Melitopol qui constitue donc le « pont terrestre » entre la Russie et la Crimée (lectrices et lecteurs sont invités à jeter un coup d’œil sur une carte, via GoogleMaps, Plan ou Openstreetmap, cette dernière étant en cyrillique.) Kamianske est à 70 km de Melitopol : tel est la distance à franchir pour couper ce pont à cet endroit.

La Crimée s’y raccroche d’une part par l’isthme de Perekop à l’ouest (5 à 7 km de large) et d’autre part à l’est par un chapelet d’îles et presqu’îles reliées au continent par un pont routier et un pont ferroviaire à Tchonghar. Il y a à l’extrême-est un lido relié au continent par un pont à Henitchesk, station balnéaire dont les Russes ont fait la nouvelle capitale de l’oblast de Kherson rive gauche après la libération de la rive droite. Les Russes ont construit une route stratégique sur ce lido. Un autre pont très long, construit par Poutine après l’annexion en force de la Crimée en 2014, le pont de Kertch par-dessus le détroit reliant les deux mers, relie directement la Crimée au Kouban, en Russie.

Couper le pont terrestre au niveau de Melitopol ou plus à l’est au niveau de Berdiansk (sur la mer d’Azov), voire encore plus à l’est sur la ligne nord-sud Voulhedar-Marioupol, tel est le premier but de guerre, le premier objectif stratégique de l’Ukraine. Un second but stratégique serait une percée significative au coeur des deux oblasts semi-occupés de la zone est, Donetsk et Louhansk. C’est la condition minimale pour négocier un cessez-le-feu qui ne gèle pas le conflit sur des conquêtes russes irréversibles.

Cet objectif au sud est l’enjeu de la contre-offensive de l’armée ukrainienne de l’été-automne 2024 car sa doctrine, hérité de Joukov, est de ne pas lancer de contre-offensive là où l’offensive adverse n’a pas encore culminé, c’est à dire sur le front est… à l’exception de Bakhmout sur laquelle nous reviendrons.

Les forces russes doivent donc tenir un front sud très long et étroit (70 km de profondeur) dont l’extrémité ouest est très loin de leurs bases arrières… sauf en passant par la Crimée. En fait c’est même leur meilleure « ligne de communication terrestre » (GLOC en anglais) et la seule ferroviaire. Car il n’y avait qu’une seule ligne ferroviaire entre l’est (le « hub » de Rostov-sur-le-Don en Russie et la ville de Donetsk occupée depuis 2014) et la zone sud conquise en 2022. Elle passe à quelques kilomètres de Voulhedar (le coin du L), elle est donc fermée et les Ukrainiens lancent sporadiquement des offensives vers le sud-est de Voulhedar pour la maintenir fermée. La seule autre ligne ferroviaire passe par le pont de Kertch, la Crimée et le pont de Tchonghar à l’est de la presqu’île.

Par la route il y a trois GLOCs :

– La grande route M14 longeant le littoral du continent depuis Rostov et passant entre Melitopol et son golfe pour rejoindre le Dniepr en face de Kherson. Cette voie est pour le moment à l’abri de l’artillerie à 80 km de portée des Ukrainiens (les Himars [High Mobility Artillery Rocket System, lance-roquettes] et les Caesar [Camion Équipé d’un Système d’Artillerie] ne peuvent s’aventurer trop près du front) mais il s’en faut de peu.

– Via l’est de la Crimée les ponts de Tchonghar et Henitchesk, c’est la voie la plus courte et la plus sûre.

– Via l’ouest de la Crimée par l’isthme de Perekop, mais c’est un immense détour tant la Crimée est déjà décalée à l’ouest du front.

Les Ukrainiens pour leur part n’ont aucun problème logistique : ils peuvent partir de n’importe où sur le front sud pour couper le « pont terrestre ». Devant eux : une immense plaine plate en « openfield », champs immenses et presque sans arbres, les fameuses terres noires, plus riches terres à blé du monde, avec de nombreuses petites rivières paresseuses et une seule coupure sérieuse, le fleuve Molotchna.

De son profond estuaire au sud de Melitopol, la Molotchna remonte vers le nord jusqu’à Tokmak, ville entièrement fortifiée par les Russes car carrefour et verrou décisif du « pont terrestre », puis oblique vers l’est. Les forces ukrainiennes ont donc à faire un choix opérationnel :

– Soit couper le pont terrestre rive droite (à l’ouest) de la Molotchna, de Kamianske à Henitchesk. Ils n’ont pas alors à la traverser, tout en réalisant leur objectif stratégique (isoler la Crimée et les forces russes coincées entre le Dniepr et la mer Noire). Mais ils renoncent pour le moment à libérer, plus à l’est, les villes de Tokmak et de Melitopol.

– Soit couper le pont terrestre à gauche (à l’est) de la Molotchna. Ils doivent alors la traverser, mais enserrent dans la nasse les villes de Tokmak et Melitopol, qu’ils n’ont vraisemblablement pas plus l’intention de conquérir (en les détruisant) par des combats de rue qu’ils n’en avaient l’intention à Kherson.

Échecs et changement de tactique au Sud

En réalité, la géographie physique a beaucoup moins compté cet été que la géographie des lignes de défenses russes. Formidables lignes de défenses ! Sur 30 km de large, tout le long du front (mais pas toujours de façon cohérente : il faut tenir compte de la disposition des routes et des cours d’eau), trois lignes de casemates, tranchées, fossés antichars et « dents de dragon ».

La première est précédée d’un champ de mines de plusieurs kilomètres de large avec une incroyable densité (parfois 5 mines au mètre carré). La tactique de défense russe, très efficace et intelligente, est la « défense flexible » (idée qui remonte… au général Pétain, en 1918). Plutôt que se faire matraquer dans leur tranchée en première ligne, les principales forces russes sont stationnées en seconde ligne, la première ligne (mines, tranchées et casemates) servant à ralentir l’assaillant. Elles catapultent alors des mines pour refermer la brèche derrière lui, et la seconde ligne passe à l’attaque.

En face, les Forces Armées Ukrainiennes (FAU) avaient l’expérience de la libération de la rive droite du Dniepr que les Russes avaient fortifiée sur les mêmes principes mais en beaucoup moins aboutis. Le 29 août 2022 les Ukrainiens attaquèrent la poche de la rive droite sur 8 points et en sélectionnèrent 3, pour aboutir à la victoire le 11 novembre, les Russes évacuant la rive droite et Kherson dès le 9.

Les FAU procédèrent de même début juin 2023 en tâtant sur toute la longueur du front de Kamianske à Voulhedar, mais en privilégiant le plus sûr : depuis Kamianske, c’est à dire l’option « à droite de la Molotchna », le Dniepr protégeant le flanc droit de l’attaque. Les Ukrainiens prévoyaient sans doute en outre un débarquement en force plus au sud-ouest, et avaient préparé le terrain en occupant les îles et déjà des têtes de pont sur la rive gauche en face de Kherson.

Ce fut un échec total. Le système de défense des Russes était beaucoup plus fort et profond que sur la rive droite, ils avaient acquis une large expérience de la guerre des drones, ils avaient une totale maitrise de l’air et pour l’artillerie un rapport de 6 à 1. En outre ils firent, juste avant, sauter le barrage de Kakhovka, provoquant une immense inondation noyant les têtes de pont ukrainiennes et aussi les défenses russes.

L’offensive des blindés ukrainiens formés par l’Otan s’enlisa dans les champs de mines, comme sur tout le reste du front. On estime que les Ukrainiens perdirent en quelques jours 20 % des blindés fournis par leurs alliés, ce qui est compatible avec l’information qu’ils auraient engagé trois de leur quinzaine de brigades formées durant l’hiver-printemps aux normes Otan…

Rapidement les FAU changèrent de tactique, abandonnant les blindés pour se lancer à l’assaut des champs de mines par petits groupes de 9 à 25 personnes, rejoints par des renforts de niveau compagnie et livrant le combat au contact de la première ligne – mais toujours sans les chars. Un premier succès de cette tactique eut lieu en juillet, la destruction d’une compagnie russe de contrattaque, dans le secteur du sud-est de Kamianske.

Succès sans lendemain, mais confirmant l’efficacité de cette tactique de grignotage, relativement peu couteuse en hommes et matériels : il n’y aurait pas de massacre de la Somme ou du Chemin des Dames. Et pour compenser la relative faiblesse de leur artillerie et leur absence d’aviation d’appui au sol, les Ukrainiens bricolent des « mini-Grad », sortes de Katioucha (lance-roquettes) à 4 tubes montés sur pick-up avec des armes de récupération prises à l’ennemi et adaptées par des labos d’impression en 3D. La grande journaliste Florence Aubenas offre un témoignage sur l’un de ces mini-Grad financé par une travailleuse du sexe de Hambourg…

Au total trois petites avancées de quelques kilomètres de profondeur au mois d’août : à Kamianske, au sud d’Orikhiv en direction de Robotyne, et la réduction du saillant russe de Velika Novosilka, un peu à l’ouest de Voulhedar, à la longitude du port de Berdiansk. Sept villages libérés, maigre bilan… et le « centre de gravité » se déplace à l’est de la Molotchna, faisant dire à l’expert Prigojine, patron de l’armée mercenaire Wagner, peu avant son putsch raté et son assassinat, que les Ukrainiens atteindront la mer d’Azov sur une station balnéaire entre Melitipol et Berdiansk. Donc par la gauche de la Molotchna.

Parallèlement, avec des drones de production locale et quelques missiles de croisière à moyennes portée (les Storm Shadows / ScalpEG1 franco-britanniques, que ces pays se décident à leur livrer) les Ukrainiens s’attaquent aux GLOCs et aux postes de commandements russes du front sud. Les ponts de Tchonghar et de Henitchesk sont coupés et, pour la seconde fois, le pont de Kertch : l’armée russe perd sa voie ferroviaire, ce qui se traduit rapidement par une baisse de régime de son artillerie, initialement 6 fois plus puissante que l’artillerie ukrainienne.

Et le blocus technologique joue au détriment de ses capacités de contrebatterie. Les Russes peuvent récupérer des puces sur les équipements civils (machines à laver…), mais c’est moins précis et surtout moins rapide ! Dès août le général Popov, commandant l’armée russe qui tient l’extrémité ouest de la zone d’occupation exprime publiquement son inquiétude : il est destitué. Son adjoint est tué par une frappe dans le poste de commandement qu’il venait de quitter : des milblogueurs russes (blogueurs militaires) murmurent que ses supérieurs auraient communiqué sa position aux Ukrainiens.

Enfin c’est à Robotyne, dans l’axe nord-sud d’Orikhiv à la mer d’Azov, exactement à mi-chemin de Melitopol et de Berdiansk, à l’est de Tokmak, que fin août des vidéos montrent la libération d’une bourgade sur la première ligne de défense russe, avec des véhicules blindés de transports de troupes (VTT) ukrainiens apportant des vivres puis évacuant de vieilles paysannes éperdues de reconnaissance, avec leurs chats.

L’offensive se poursuit en terrain un peu moins miné, vers les sud mais aussi vers l’est (la ligne de défense russe fait là, à Verbove un coude et s’oriente nord-sud). Le 20 septembre, c’est la télévision officielle Russia Today qui exhibe, triomphante, une vidéo montrant deux VTT ukrainiens détruits par l’artillerie russe… au sein d’une ligne de blindés ulkrainiens s’avançant en terrain totalement découvert et visiblement non-miné, au-delà de la seconde ligne de défense, au sud de Verbove !

Minuscule percée, bizarrement orientée vers l’est mais symbolique : il ne resterait que la troisième ligne (plutôt réservée aux moyens logistiques) à percer à la latitude de Tokmak, et cette troisième ligne, là au moins, n’est pas protégée par des champs de mines ! Ce qui fait dire à un général ukrainien qu’une fois atteint le niveau de Tokmak les grandes opérations d’exploitation par les brigades blindées pourront reprendre. C’est faire bon marché de la traversée de la Molotchna…

Bien sûr les FAU ne s’y aventureront pas sans avoir au préalable élargi la brèche, à l’est (Verbove) comme à l’ouest (Kopani) de Robotyne. Elles ont une horreur atavique (depuis la Grande guerre patriotique et la troisième défaite de Kharkiv, 1943) des contre-attaques de flanc. Elles n’ont pas peur de la raspoutitsa. Alors la route M14 sera sous le feu de leur artillerie à longue portée.

Bien entendu les Russes ont mesuré le danger imminent. Ce sont les meilleures troupes, les Spetsnaz (forces spéciales) et les VDV de la Garde (parachutistes d’élite) qui s’y précipitent : 10 000 VDV sont redéployés devant le front Kopani-Robotyne-Verbove. Mais ils viennent par glissement horizontal d’autres secteurs du front sud, voire même ont roqué depuis le front est. Ce qui ouvre la voie aux FAU à d’autres endroits du front qui se trouvent dégarni : rallumant des possibilités à la droite de la Molotchna, depuis Kamianske, ou depuis la rive gauche du Dniepr, où les Ukrainiens ont peu à peu reconstitué les positions noyées par la rupture du barrage… ou à Bakhmout.

Les offensives russes comptent aussi !

Et nous voici ramenés à la question de la « dispersion de l’offensive ukrainienne » et du statut des fronts de l’est… Question qui ne peut être débattue qu’en ayant en tête que, dans une guerre, l’ennemi aussi prend des initiatives ! Il faut alors choisir : ou de subir ou de contrecarrer, sans oublier que, si l’on « gèle » ainsi une partie de ses propres forces loin du front principal, il en est exactement de même pour l’adversaire… Reste à mesurer « qui fixe qui ».

Pendant l’été 2023, sur le front est, les Russes ont poursuivi leurs offensives d’hiver-printemps, mises en échec mais non culminées début juin. En ce début d’automne, l’échec russe reste total et, cet octobre, on peut sans doute parler de culmination : les experts ne croient plus guère en une capacité offensive russe de grande ampleur à partir du front est (le long de la barre verticale du L). Les Ukrainiens ne leur ont opposé que des forces dérisoires, compensant leur infériorité par un héroïsme ahurissant. Florence Aubenas (encore elle) en donne un exemple dans la bataille de Marïnka. Cette banlieue au sud-est de Donetsk tient malgré tout, face à une offensive qui n’a jamais vraiment cessé depuis 2015, et qui vise à constituer une pince nord qui pourrait permettre un encerclement de Voulhedar.

Les « experts américains » recommanderaient-ils de laisser se constituer cette menace d’une attaque à revers du front sud ? De même, un peu plus au nord, le saillant ukrainien de Avdiivka fait plus que tenir : il contrattaque pour desserrer l’étau. Les « experts » américains recommanderaient-il d’abandonner ce saillant pour raccourcir les lignes de défenses ukrainiennes ? Les forces russes qui s’usent à réduire ce saillant seraient alors disponibles en face de Robotyne…

C’est précisément ce qu’elles essaient de faire en octobre : éliminer le saillant de Avdiivka. (30 000 habitants avant-guerre), encore plus proche de l’encerclement que ne le fut Bakhmout, mais qui résiste héroïquement… depuis 2015. C’est là que les FAU, chassées de l’aéroport international de Donetsk par l’armée régulière russe venant relayer les « petits hommes verts » (la milice Wagner) à la veille du cessez-le-feu de Minsk II, se sont puissamment retranchées.

Les Russes engagent une « ultime offensive » de chars, le 10 octobre, pour refermer la nasse : ils se sont fait massacrer, malgré leur soutien aérien, exactement comme début juin les Leopards (des chars) ukrainiens partis de Kamianske. Ils recommencent le 19 et perdent selon les Ukrainiens à nouveau 50 chars et une centaine de VTT. Ce qui commence à poser un problème sur l’usage de cette arme dans cette guerre, face à une artillerie de précision de mieux en mieux défendue par des tirs de contrebatterie où les Ukrainiens ont décidément acquis l’avantage. Mais les Russes ne renoncent pas.

Cet effort énorme pour Avdiivka est incompréhensible stratégiquement. Bien sûr, sur la carte, il est très tentant de liquider cette petite écharde ukrainienne qui s’avance jusqu’à la banlieue de Donetsk. Mais on voit tout aussi clairement que cette petite rectification du front ne changerait strictement rien du point de vue stratégique. Il en irait tout autrement si l’armée russe parvenait à s’avancer au-delà de Marïnka, autre bataille de la banlieue de Donetsk mais du côté sud, en cours depuis 2015.

Une percée russe à cet endroit menacerait de prendre à revers l’est du front sud (Voulhedar). Les Russes s’y sont essayé toute l’année 2023, et ont échoué. Qu’ils choisissent de « mettre le paquet » à Avdiivka plutôt qu’à Marïnka signifie qu’ils n’envisagent plus, pour le moment, que des batailles tactiques et non stratégiques, leur permettant de « geler le front », en espérant un cessez-le-feu (un Minsk III) à l’ombre duquel se refaire quelques années avant de repartir à l’assaut.

Dès lors, l’acharnement sur Avdiivka vise simplement, pour les deux adversaires, à « refaire le coup de Bakhmout » : une éventuelle victoire tactique transformée en glorieux symbole pour les Russes, une bataille d’attrition pour les Ukrainiens.

Parallèlement, à l’extrémité nord du front, le gros de l’offensive russe, de l’hiver à cet été, visait à réduire les avancées de l’offensive ukrainienne de l’automne 2022 à l’est de l’Oskil. En fait, cette offensive ukrainienne avait bousculé les Russes au-delà de son propre point de culmination et ne tenait que de façon fluide une zone à l’est de la rivière Zerebets (deuxième affluent de la Donets à l’est de l’Oskil) et à l’ouest de la route Kreminna-Svatove-Koupiansk.

Si cette offensive avait disposé de plus de chars, elle aurait peut-être pu atteindre Starobilsk, objectif stratégique, le nœud routier en plein centre de l’oblast de Louhansk. Et telle est la possibilité que les Ukrainiens entendent conserver, en gardant d’une part Koupiansk au nord du lac de barrage de l’Oskil, et d’autre part au sud du lac : Lyman, et surtout leurs positions au sud immédiat de Kreminna et au nord de la rivière Donets, la forêt de Serebriansky et les bourgs de Dibrova et Bilohorivka. Ce sont les deux portes pour une offensive de libération du Louhansk, peut-être en 2024. Et très logiquement ce sont les deux portes que les Russes entendent refermer, en ramenant la ligne de front et d’éventuel cessez-le-feu sur l’Oskil.

Pour garder ces deux entrées vers le cœur du Louhansk, les FAU maintiennent un minimum de forces. Là encore, un soldat de ces fameuses brigades formées par l’Otan, au regard ravagé de fatigue et d’angoisse, dans la forêt de Serebriansky, témoigne : « D’après ce qu’on nous a appris, on ne devrait jamais tenir cette position avec si peu de forces ». Et pourtant ils tiennent.

En face, les Russes veulent précisément reprendre ces positions, et en particulier Lyman, ce qui leur permettrait de reconstituer en plus petit la pince qu’ils tenaient encore en août 2022 et qui menaçait d’encerclement le cœur industriel du Donbass : l’agglomération Kramatorsk-Sloviansk. Cette fois la mini-pince ne menacerait plus que la petite ville à moitié détruite de Siversk – à condition de savoir franchir la rivière Donets, mauvais souvenir pour eux ! Ils repartent à l’assaut en août avec 900 chars, 100 000 hommes, dont 4 divisions de VDV. Et ils n’y sont pas arrivés, se contentant de repousser les Ukrainiens en un point au-delà de la Zerebets.

Leur offensive vers Lyman a échoué devant Torske, sur la Zerebets, et celle vers Koupiansk à Synkivka, quelques kilomètres au nord-est. Mais ils persistent : alors que leurs précieuses VDV se sont précipitées vers la brèche de Robotyne, par un immense roque, ils engagent leur unique armée de réserve construite pendant l’hiver-printemps, la 24e armée interarmes. Les spécialistes restent sceptiques sur la capacité de ce renfort à demi-formé et en sous-effectif à renverser la situation. Mais les Ukrainiens ne peuvent pas dégarnir ce front.

Bakhmout : digression ou vraie contre-offensive stratégique ?

Et alors, Bakhmout ? Ce nom résume à lui seul toute l’offensive russe d’hiver-printemps 2023, et son seul succès, largement dû à l’épouvantable consommation de chair humaine par l’armée mercenaire Wagner, qui se battit dans la ville ou sa banlieue (Soledar), mais avec le concours des forces régulières russes qui encerclaient presque la ville en ruine par deux pinces, au nord et au sud. Pendant toute cette bataille j’ai souligné sur mon compte Facebook qu’elle n’avait aucun intérêt stratégique pour les Russes dès lors que la perte de Lyman leur interdisait d’en faire une base de départ pour un encerclement de la conurbation de Kramatorsk-Souviansk.

Pour les Ukrainiens, l’intérêt stratégique de la reprise de Bakhmout (hors, bien entendu, son notable intérêt symbolique) est encore moins évident. Et pourtant l’état-major des FAU en fait un sujet équivalent à la bataille du front sud dans ses communiqués quotidiens. A-t-il tort ?

Voyons les faits. Aussitôt culminée l’offensive de Wagner aux limites administratives de la ville, les FAU, qui s’en étaient retirées, ont profité de ce temps d’hésitation pour contrattaquer les deux pinces nord et sud qui avaient failli les encercler. Contre-attaque précédant de peu l’offensive au sud : dès cet instant les deux opérations furent assimilées aux deux fronts de la contre-offensive générale ukrainienne.

En quelque jours les FAU rognèrent les extrémités des deux pinces, laissant anticiper une tentative de contre-encerclement des forces russes coincées dans les ruines : un mini-Stalingrad. Il n’en était rien : d’une part, s’il était facile de balayer les Russes des pointes de leur tentative d’encerclement (non fortifiée puisque fraichement conquise), l’affaire prenait un autre tour dans les zones tenues par les Russes depuis plus longtemps. On s’aperçut ensuite que cette contre-attaque était menée essentiellement par la 3e brigade de choc, comprenant de nombreux rescapés du bataillon Azov : des durs à cuire ayant le sens de la publicité.

Une fois le moignon de la pince nord bien encagé au sud-ouest, à l’ouest et au nord, la pince sud fut rabotée jusqu’à une ligne approximativement nord-sud passant quelques kilomètres à l’ouest de la ligne Bakhmout-Klichtchiivka-Kurdyumivka jusqu’à Horlivka (grande ville de 160 000 habitants de l’oblast de Donetsk). On aurait pu en rester là et c’est sans doute ce que recommandaient les « experts » américains. Et bien non.

Sans engager leurs chars, les FAU envoient des renforts et une débauche d’artillerie équivalente à celle des Russes pour s’emparer des collines entourant Bakhmout et prendre Klichtchiivka et Kurdyumivka. Elles percent entre les deux, à Andriïvka, atteignant enfin le remblai de la ligne ferroviaire nord-sud Bakhmout-Horlivka (puissante fortification russe) et pour, de là, mettre sous le feu de ses canons la route nord-sud T0513 de Bakhmout à Horlivka, et tenter de la couper à Odradivka (3 km plus loin). C’est loin d’être le seule GLOC russe vers Bakhmout… Pourquoi alors cette débauche d’efforts, qui fait dire à l’état-major ukrainien que c’est aussi une bataille « stratégique » ?

Il faut sans doute revenir à ce que la tradition de l’Armée rouge appelle « stratégique » : les batailles « orientées dans les buts de la guerre » selon Clausewitz, et que le théoricien soviétique des « opérations », Alexandre Svetchine, caractérise comme telles. Pour Svetchine, une opération même défensive peut être stratégique si elle contribue aux buts de la guerre. Est-ce le cas ?

Nous avons vu que toutes les batailles de l’extrême nord-est sont en un sens dans ce cas : elles fixent des armées importantes de la Russie et les maintiennent loin du front sud, elles laissent ouverte la porte pour des offensives futures vers le cœur de l’oblast de Louhansk. Il semble que ce soit aussi le but, mais pas cette fois « à l’économie », de l’offensive ukrainienne sur le sud de Bakhmout.

D’abord, elles fixent des forces russes. Cet effet semble en voie de s’épuiser, tant la pression ukrainienne est forte à Robotyne. On a vu des divisions de VDV quitter le front de Kreminna pour se précipiter d’abord à Bakhmout puis au sud, puis toute une armée expérimentée mais épuisée suivre cet immense mouvement de rocade et remplacée par l’inexpérimentée 25e armée interarmes. C’est d’ailleurs ce qui a permis le succès ukrainien à Andriïvka. Depuis, les Ukrainiens cherchent à border le remblai de la ligne de chemin de fer depuis la limite de Bakhmout jusque 20 km plus au sud, menant sporadiquement des reconnaissances en force vers l’est.

Plus profondément, il faut tenter de deviner ce que serait le « coup d’après » des FAU, si par exemple elles s’emparent de la route T0513. Devant elle s’étendrait un large boulevard d’openfield vers l’est, c’est à dire vers la ville de Louhansk (qui se situe tout au sud de son oblast), contrôlée par les pro-russes depuis 2014. Ou alors : amorcer un mouvement tournant vers l’autre capitale d’oblast, Donetsk, plus au sud. La bataille de Bakhmout-sud serait doublement stratégique : par son aide à l’actuelle bataille stratégique du front sud, par la préparation des contre-offensives de l’an prochain…

La victoire de la mer Noire

Selon l’amirauté britannique (qui s’y connaît), la victoire ukrainienne dans la mer Noire, cet été, est aussi importante que la libération de l’oblast de Kharkiv il y a un an. Les drones aériens et navals ukrainiens ont multiplié les coups au but sur l’état-major de la flotte de la mer Noire à Sébastopol, sur son chantier de réparation, Eupatoria, détruisant un sous-marin et un navire de débarquement. Ils ont frappé tous les ports de Russie au nord-est de la mer Noire, du détroit de Kertch à Sotchi. Ils frappent régulièrement le port occupé de Berdiansk. Et finalement la flotte russe a dû quitter Sébastopol pour se réfugier sur la côte russe du Kouban. Encore plus au sud-est, les Russes construisent un port en Abkasie (région « sécessionnée » de la Géorgie en 2008), loin des engins ukrainiens.

On ne peut pas encore parler de « maîtrise de la mer Noire » par une Ukraine qui n’y a pratiquement plus de flotte : les petites expéditions ukrainiennes narguant les Russes en Crimée sont menées sur des hors-bords et jet skis. Mais les conséquences de cette relative maitrise sont quadruples.

– Le danger d’une attaque navale russe vers Odessa est définitivement écarté.

– L’usage de navires de débarquement (se retrouvant au chômage technique) comme « ferry-boats » entre la Russie et la Crimée quand le pont de Kertch est en réparation est sérieusement compromis.

– L’usage des sous-marins comme lance-missiles va être entravé.

– La flotte russe doit renoncer au droit qu’elle avait proclamé de considérer tout navire voguant vers ou depuis les ports ukrainiens comme cible militaire, et même à les contrôler. Un canal s’ouvre donc entre ces ports et le Bosphore, le long des côtes ukrainiennes et roumaines.

Ce dernier point est le plus spectaculaire : la Russie a perdu le contrôle de la mer Noire. Certes, il était déjà diplomatiquement délicat de tirer sur des cargos battant des pavillons improbables dans les eaux internationales ou roumaines de cette mer, mais la flotte russe a perdu tout simplement les moyens de le faire ! La route du blé ukrainien n’est pas encore grande ouverte depuis Odessa et les ports voisins, elle l’est depuis les ports du Danube, après un long chemin routier.

C’est pourquoi les bombardements russes sur cibles civiles se sont concentrés cet été ni sur les installations militaires ni énergétiques (elle recommencent cet automne) mais sur les silos à blé dans les ports. Le but de la manœuvre n’est évidemment pas d’affamer le tiers-monde en le privant du blé ukrainien, mais une vulgaire opération commerciale déloyale : réserver ce marché aux exportations russes, qui elles peuvent passer par les ports de la Baltique ou de Sibérie orientale. Une question de balance commerciale en somme : la Russie n’exporte pas assez d’hydrocarbures, il lui faut s’assurer le monopole du blé des terres noires…

Les batailles de l’air

La règle du jeu jésuitiquement fixée par les alliés de l’Ukraine est simple : la Russie bombarde l’Ukraine comme elle veut, et contre cela « l’Occident global » s’efforce de lui fournir un bouclier anti-aérien, contre drones et missiles balistiques ou de croisière. MAIS L’UKRAINE N’A PAS LE DROIT DE FRAPPER LE TERRITOIRE RUSSE autrement qu’avec des engins construits par elle. Alors elle s’est mise à en produire, et, pendant tout l’été, a augmenté sa capacité de frappe, jusqu’à Moscou, jusqu’aux aéroports militaires les plus lointains de la Russie d’Europe.

Bien sûr, la défense contre les « aéronefs inhabités » a elle aussi fait des progrès de part et d’autre. Bien sûr, les cadavres d’engins abattus peuvent en tombant faire des victimes civiles, ou créer des incidents diplomatiques. Comme les Russes annoncent régulièrement que tous les engins ukrainiens ont été détruits en vol, il est difficile de savoir ce qui était visé, sauf si une cible importante a été atteinte et annoncé par les milblogueurs, parfois par les Ukrainiens. Les tirs russes étant beaucoup plus nombreux, les Ukrainiens admettent n’en intercepter que de 50 à 75 % : il est plus facile de savoir ce qu’ils visent.

D’abord tous les tirs, des deux côtés (y compris les drones ukrainiens bricolés se dirigeant vers Moscou), ont un but général : disperser la défense anti-aérienne de l’adversaire. L’obligation où se trouve l’Ukraine de couvrir ses civils se traduit par une relative aisance des bombardements russes sur ses lignes ou sur ses offensives. C’est probablement l’objectif principal des drones ukrainiens vers Moscou : les rares fois où l’on apprend qu’ils ont atteint une cible sans être abattus, il s’agit d’immeubles de bureau dont on ignore les raisons du choix.

Cependant de nombreux tirs ont des objectifs précis, et on le constate quand ils frappent leurs cibles. Nous pouvons donc opérer une nette distinction ;

– Les Russes, ayant tout l’hiver dernier frappé les services publics (électricité, réseaux de chaleur, stations d’eau) pour plonger les Ukrainiens dans la nuit et le froid, ont poursuivi à la belle saison leurs frappes contre les immeubles d’habitation et les restaurants ou cafés fréquentés, puis (après la rupture de l’accord sur les céréales de la mer Noire) ont étendu leurs frappes aux silos à grain. À l’approche de la mauvaise saison, ils recommencent leurs frappes sur les services publics.

– Les Ukrainiens, outre les installations portuaires et les navires de guerre de la flotte russe de la mer Noire, ont visé les aérodromes militaires et les ponts sur les GLOCs. Les coups au but, détruisant des bombardiers stratégiques et des avions de transports lourd, jusqu’à Pskov près de Saint-Pétersbourg, sont si impressionnants qu’on soupçonne de plus en plus l’action de services secrets, guidant les engins depuis le territoire russe, voire les tirant depuis la Russie.

Mais quantitativement ces frappes dans la grande profondeur représentent peu de chose. Ce que demandent pour l’instant les Ukrainiens, c’est de pouvoir au moins frapper les installations russes sur le territoire ukrainien, Crimée et pont de Kertch compris. Or jusqu’ici les canons qui leurs sont offerts (Himars et Caesars) ne pouvaient frapper qu’au plus à 80 km, et il n’est pas question d’exposer ces « merveilles » trop près du front. De guerre lasse, les USA leur ont livré une vingtaine d’obus « intelligents » ATACMS tirés par les canons Himars et de 160 km de portée.

Les Ukrainiens les ont aussitôt utilisés pour endommager les pistes des aéroports de Berdiansk (au sud de la brèche de Robotyne) et de Louhansk (base de l’aviation tactique russe face à Bakhmout et au front du nord-est), détruisant des avions et des hélicoptères d’appui au sol, des dépôts de munitions et de carburants. Les Russes doivent donc se replier (en Crimée et vers la frontière de l’est), rallongeant leurs liaisons entre le front et leurs appuis arrière.

On le voit : « la contre-offensive » commencé début juin n’aura, fin octobre, libéré que quelques villages et quelques centaines de km². Elle se poursuit à son rythme. Le changement de tactique ukrainien, la guerre en rampant, avec des bonds en avant technologiques sur mer et dans les airs, leur a sans doute épargné les massacres dont furent victimes les Anglo-Français en 1917. Mais leurs grands arrières (leurs alliés) et surtout leur propre peuple doivent désormais se résigner à une guerre sans doute aussi longue que la Première Guerre mondiale, voire la guerre Iran-Irak. « Pourvu qu’ils tiennent ! – Qui ça ? – Les civils. »


Alain Lipietz

Ancien député européen (Vert), Économiste

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Guerre en Ukraine

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