Écologie

« Pertes et préjudices » : perspectives et opportunités d’une transition énergétique

Économiste

Ce jeudi s’ouvre la COP 28 à Dubaï, qui réunira les pays signataires de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques. L’an dernier, la COP 27 avait été marquée par la création d’un fonds pour répondre aux dommages climatiques et aux besoins d’adaptation des pays les plus vulnérables. Mais le risque encouru, au regard des modes de compensation envisagés, est d’apparenter ce fonds à un mécanisme de solidarité internationale, et non de responsabilité climatique.

Viendra le temps où les nations sur la marelle de l’univers seront aussi étroitement dépendantes les unes des autres que les organes d’un même corps, solidaires en son économie.
  • René Char, Feuillets d’Hypnos 127, 1943-1944.

Les COP, acronyme de Conference Of the Parties, conventions annuelles des Nations unies pour le climat, se concluent bien souvent par un engagement étriqué de réduction des émissions de gaz à effet de serre, à la mise en œuvre évanescente.

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En novembre 2022, la COP 27 à Charm el-Cheikh s’est néanmoins démarquée par un accord négocié sur les « pertes et préjudices », de l’anglais loss and damage : la création d’un fonds spécifique, une assistance financière, pour répondre aux dommages climatiques et aux besoins d’adaptation des pays en voie de développement (PED) les plus vulnérables, cercle restreint encore à définir. Cette avancée inattendue, non inscrite à l’agenda du sommet à son ouverture, répond à une proposition souvent discutée, et refusée jusqu’alors par les États-Unis et l’Union européenne.

L’initiative, portée en 1992 par l’alliance des petits États insulaires en développement, à la Conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement (CNUED), pour se prémunir de l’élévation inéluctable du niveau de la mer, est depuis reprise et étendue par le Groupe des 77, coalition de PED aux Nations unies, accompagnée de la Chine. Elle aboutit à une première avancée conséquente, à la COP 19 en 2013, avec la mise en œuvre du Mécanisme international de Varsovie, toujours en vigueur : il précise le périmètre des « pertes et préjudices », dommages consécutifs aux changements climatiques anthropiques, endémiques d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre et autres tentatives d’adaptation. L’Accord de Paris en 2015 abonde à son tour pour une meilleure reconnaissance et une action internationale en faveur des « pertes et préjudices ». La responsabilité des dommages occasionnés en restera néanmoins exclue, et laissera


[1] Cinq principaux Fonds multilatéraux établis par la CCNUCC, de nature diverse, peuvent être distingués : le Fonds pour l’environnement mondial, le Fonds pour les pays les moins avancés, le Fonds spécial pour les changements climatiques, le Fonds pour l’adaptation, et, le plus conséquent, le Fonds vert pour le climat. Ils sont à compléter par les Fonds d’investissement pour le climat, rattachés à la Banque mondiale.

[2] L’évolution de l’Aide publique au développement (APD), versée par les membres du Comité d’aide au développement de l’OCDE, qui repose pour l’essentiel sur des contributions volontaires, arbore ces mêmes aléas. Le montant consacré en 2022 à l’APD représentait 0,36 % du revenu national brut des pays contributeurs, seuls quatre respectant l’objectif de 0,7 % fixé par les Nations unies en octobre 1970. Ces prélèvements ont chuté d’un tiers de 1992 à 1997, période marquée par des politiques de contraction budgétaire importante dans la plupart des pays européens. Pour des compléments, consulter le rapport du CAE de 2006, de Daniel Cohen et al., La France et l’aide publique au développement, et les données disponibles de l’OCDE.

[3] OCDE, Tendances agrégées du financement climatique fourni et mobilisé par les pays développés en 2013-2020, Le financement climatique et l’objectif des 100 milliards de dollars, Éditions OCDE, 2022.

[4] Donnée issue du rapport du PNUE, Adaptation Gap Report 2022: Too Little, Too Slow – Climate adaptation failure puts world at risk, 2022.

[5] EU Tax Observatory, Global Tax Evasion Report 2024, 2024.

[6] Kjell Kühne et al. (2022) dénombrent 425 projets dans 48 pays, dits Carbon Bombs, emblématiques de stratégies industrielles en conflits avec les attendus de l’Accord de Paris, révélatrices de l’essence des engagements de réduction d’émissions de gaz à effet de serre de ces sociétés, une simple campagne d’affichage. Le Think Tank Carbon Tracker confirme dans son rapport, Absolute Impact 2023: Progress on oil and gas emissions tar

Olivier Bos

Économiste, Professeur à l’École normale supérieure Paris-Saclay

Mots-clés

AnthropocèneClimat

Notes

[1] Cinq principaux Fonds multilatéraux établis par la CCNUCC, de nature diverse, peuvent être distingués : le Fonds pour l’environnement mondial, le Fonds pour les pays les moins avancés, le Fonds spécial pour les changements climatiques, le Fonds pour l’adaptation, et, le plus conséquent, le Fonds vert pour le climat. Ils sont à compléter par les Fonds d’investissement pour le climat, rattachés à la Banque mondiale.

[2] L’évolution de l’Aide publique au développement (APD), versée par les membres du Comité d’aide au développement de l’OCDE, qui repose pour l’essentiel sur des contributions volontaires, arbore ces mêmes aléas. Le montant consacré en 2022 à l’APD représentait 0,36 % du revenu national brut des pays contributeurs, seuls quatre respectant l’objectif de 0,7 % fixé par les Nations unies en octobre 1970. Ces prélèvements ont chuté d’un tiers de 1992 à 1997, période marquée par des politiques de contraction budgétaire importante dans la plupart des pays européens. Pour des compléments, consulter le rapport du CAE de 2006, de Daniel Cohen et al., La France et l’aide publique au développement, et les données disponibles de l’OCDE.

[3] OCDE, Tendances agrégées du financement climatique fourni et mobilisé par les pays développés en 2013-2020, Le financement climatique et l’objectif des 100 milliards de dollars, Éditions OCDE, 2022.

[4] Donnée issue du rapport du PNUE, Adaptation Gap Report 2022: Too Little, Too Slow – Climate adaptation failure puts world at risk, 2022.

[5] EU Tax Observatory, Global Tax Evasion Report 2024, 2024.

[6] Kjell Kühne et al. (2022) dénombrent 425 projets dans 48 pays, dits Carbon Bombs, emblématiques de stratégies industrielles en conflits avec les attendus de l’Accord de Paris, révélatrices de l’essence des engagements de réduction d’émissions de gaz à effet de serre de ces sociétés, une simple campagne d’affichage. Le Think Tank Carbon Tracker confirme dans son rapport, Absolute Impact 2023: Progress on oil and gas emissions tar