Treize ans après, le silence tunisien
Officiellement, le 14 janvier 2011 ne représente plus rien. Pour les Tunisiens, et pour l’histoire, il marque pourtant la chute de la dictature de l’ancien président Ben Ali et le premier jour des printemps arabes, qui bouleversa le quotidien de 500 millions de personnes et inspira le monde entier.

Mais pour le président tunisien actuel, Kaïs Saïed, cette date du 14 janvier « ne signifie rien» puisque, selon lui, « la révolution n’est pas terminée». Depuis deux ans, par sa volonté, le 14 janvier n’est donc plus la date de la fête nationale, changée pour le 17 décembre, jour de l’immolation du marchand ambulant Mohamed Bouazizi. À travers cette date du 14 janvier, c’est à l’ensemble du récit révolutionnaire que le président tunisien s’est attaqué, ainsi qu’à ses accomplissements. Après avoir dissous le Parlement, le président s’est arrogé les pleins pouvoirs, et tente de faire taire toute voix dissonante. Pour l’heure, les protestations internationales sont peu nombreuses.
Dans son entreprise d’éteindre les derniers feux de la Tunisie révolutionnaire, Kaïs Saïed est, il est vrai, bien aidé par la redistribution des cartes géopolitiques en cours depuis son élection. Marginalisé au cours des années 2010, le conflit au Proche-orient dicte de nouveau l’actualité et concentre toute l’attention régionale et internationale, au détriment du Maghreb et des pays qui ont porté les printemps arabes. La Tunisie ne comptent plus désormais que pour sa problématique migratoire. Les négociations avec l’Union Européenne – qui verse à la Tunisie une aide de 105 millions d’euros pour lutter contre l’émigration illégale – concerne essentiellement cette thématique. Selon le Haut commissariat aux réfugiés des Nations unies, la Tunisie est devenue en 2023 le principal point de départ des migrants en Méditerranée. Sur les 157 301 personnes qui ont débarquées sur les côtes italiennes l’an passé (266 940 pour l’ensemble sur les côtes du Sud de l’Europe), 97 306 venaient de Tunisie. S