Décarboner l’industrie du ciment
«Si l’espèce humaine devait soudainement disparaître de la surface de la planète, le dernier siècle de notre existence serait clairement identifiable cent millions d’années plus tard par une couche très spécifique de sédiments, recouverte de rouille, que l’on trouverait sur absolument tous les continents », imagine Robert Courland dans l’introduction de son ouvrage Concrete planet[1] consacré à l’histoire du béton. La couche dont parle Courland, ce sont les vestiges du béton armé. Longtemps ignorés par les indicateurs du changement climatique et de l’Anthropocène, le béton et son liant, le ciment, sont désormais considérés au même titre que le plutonium ou encore les microplastiques.

Arrêter de produire du béton ? Facile à dire, mais pas facile à faire, tant cette matière a infiltré notre quotidien, nos économies mais aussi nos cultures. Dans l’hémisphère nord, on commence à lui associer les écueils de la modernité, de l’inhumanité des cités-dortoirs, à l’obsolescence des infrastructures et à leurs effondrements spectaculaires. En revanche, dans le Sud global, elle reste un symbole fort de modernité positive[2], d’épargne et du rêve d’une vie meilleure en dur, alors que la terre crue, accusée d’archaïsme bien qu’elle soit parfaitement adaptée aux climats chauds, est rejetée. La bande dessinée Béton, Enquête en sables mouvants[3], parues aux Presses de la cité, s’attaque à ce géant du XXe siècle pour comprendre et vulgariser les conséquences environnementales de sa production exponentielle, l’extractivisme ardu qu’il sous-tend, mais aussi les pistes pour sortir du « tout-béton ».
Le béton et le ciment c’est avant tout une histoire de multinationales, 50% de la production mondiale est aux mains de dix entreprises. La gronde écologiste anti-béton apparue il y a cinq ans s’attaque expressément à eux. En 2019, les militants d’Extinction Rébellion bloquaient les sorties des bétonnières de sites de production de béton prêt à l’emploi de l’Île-de-France destinées