Dictionnaire

Traduire, dit-elle – sur Dictionnaire amoureux de la traduction de Josée Kamoun

Professeur de littérature anglaise

Josée Kamoun, traductrice de Philip Roth, Orwell, Kerouac, entre autres grands noms, est une amoureuse de la langue. Celle qui a osé traduire 1984 au présent, quand a longtemps prévalu le passé, parle de l’art des écrivains, qui sont aussi des traducteurs — et vice versa. Le temps n’est plus à la traduction qui rapatrie, mais plutôt à celle qui dépayse.

Longtemps, les hommes ont écrit sur la traduction. Depuis peu, signe que les temps changent enfin, les traductrices de métier – 75% de la profession, de nos jours, sont des femmes – s’y mettent. Et elles sont loin de dire la même chose. Après d’autres, dont Lori Saint-Martin et Corinne Atlan, c’est au tour de Josée Kamoun, traductrice attitrée de Philip Roth, mais aussi de Jack Kerouac et Richard Ford, de se coller avec un réel bonheur à l’exercice souvent formaté du dictionnaire amoureux.

publicité

« Hou ! La menteuse / Elle est amoureuse. » On se souvient que le tube de Dorothée cartonnait dans les cours de récréation des années 80. Personne ne soutiendra que Josée Kamoun en est une, de menteuse, quelle que soit par ailleurs la réputation d’escroc, de félon ou de traître faite aux traducteurs, entre autres turpitudes. Non, son amour de la traduction, des langues en général, de l’anglais en particulier, elle le déclare sur tous les tons et les modes. Le cahier des charges de la collection l’y oblige, fera-t-on valoir. Certes, mais le programme aura rarement été appliqué avec autant d’enthousiasme communicatif.

À chacune de ses 540 pages, chacune de ses 50 entrées, ce Dictionnaire déborde de séductions, preuve s’il en était besoin que la « libido [y] est engagée ». En rendre compte n’est pas chose aisée, sauf à s’éprendre en retour de ce qui se donne comme hautement désirable. On optera donc pour l’approche consistant à éviter que d’un trop-plein de richesses ne naisse l’embarras. Faire le tri, donc. Ensuite, faire savoir urbi et orbi qu’une telle économie libidinale, qui sent bon les années 70 et 80, ne serait rien sans une véritable pensée à l’œuvre. « Réfléchir » est d’ailleurs le mot qui revient le plus souvent sous la plume de Josée Kamoun. Pas de traducteur, de traductrice, qui n’ait pas de neurones à soi, qui ne se dote d’une pensée, au besoin pratique, de la traduction, qui ne mette en branle, sous des habits d’Arlequin forcément bigarrés, une authentique ma


Marc Porée

Professeur de littérature anglaise, École Normale Supérieure (Ulm)

Rayonnages

LivresEssais