Littérature

Papiers coupés-collés

Écrivain

Georges Perros et Marc Cholodenko, voilà deux écrivains et poètes singuliers. Alors que les « Œuvres » du premier et un nouveau livre du second viennent de paraître, comment les « papiers collés » de l’un et les « paperoles» de l’autre s’affichent-ils désormais, dans le contexte contemporain d’un monde de fragments multipliés sur la « toile » immatérielle et presque sans limites de nos écrans ?

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Mille six cents pages d’un gros volume qui ressemble à une somme, une Bible sur papier simple : voici les Œuvres de Georges Perros rassemblées dans la collection « Quarto », cette Pléiade souple qui sied assez bien, peut-on penser, à un écrivain si singulier, mort il y a tout juste quarante ans, le 24 janvier 1978, à 55 ans. Cette réunion des textes dans le sarcophage chronologique d’une édition (presque) complète (y manque la correspondance) ne va pourtant pas de soi, pour un poète qui sembla toujours publier contre son gré des livres faits surtout de notes, collections de fragments rapetassés, rapports de lecture ou courtes pièces en vers qui finissent tout de même, parfois, par composer le roman d’une vie… Ce sont les fameux Papiers collés (trois tomes, dont le dernier posthume, en 1960, 1973 et 1978), les Poèmes bleus (1962) ou le roman-poème Une vie ordinaire (1967) qu’achèvent, à quelques maigres octosyllabes près, ces mots bientôt contredits par la postérité :

« on m’oubliera vite et ce que
j’écris par un beau soir d’automne
près de mon chien qui mord ses puces
pour qu’elles perdent dans son sang
la sotte envie d’en faire autant »

Imperturbablement ironique, Perros est un homme de revues, du refus : rétif au format du livre (cinq ouvrages seulement parus de son vivant), mais donnant des textes partout (La NRF, Le Nouveau Commerce, Critique, L’Arc, Les Cahiers du Chemin, Test, Le Journal des Poètes, Combat, Exit, Matulu, Bretagnes, etc.), il essaima depuis son exil breton d’innombrables paperoles que Thierry Gillybœuf rassemble ainsi en une belle et abondante édition. L’ordre choisi — celui, simple, des ans — a valeur d’évidence, qui donne un sens au parcours de l’écrivain, sans l’enfermer dans le définitif toujours suspect d’un coffret posthume — de ceux qu’on se polit soi-même, comme un miroir, un cercueil. À cet égard, Perros est un peu l’anti-Saint-John Perse. « L’idée des hommes, écrit-il dans Papiers collés III, de se rendre célèbres, de s’élev


Fabrice Gabriel

Écrivain, Critique littéraire

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