Cinéma

« Mektoub my love : canto uno », un hymne à la vie

Critique

Avec Mektoub, my love : canto uno, Abdellatif Kechiche fait de nouveau polémique. En renforçant certains principes de sa mise en scène et en amenuisant le fil narratif, il signe peut-être son film le plus radical. L’abandon de la dimension politique qui tramait son œuvre étonne, mais il livre une sublime ode à la vie, pleine d’alacrité et de fulgurances.

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Il est peu de dire que l’attente fut longue. Depuis 2013 et son triomphe cannois et critique de La Vie d’Adèle – chapitres 1 et 2, le cinéaste franco-tunisien fourmillait de projets, dont l’un des plus excitants était une mini-série (pour Arte), adaptation des Carnets de thèse de Tiphaine Rivière, hilarante bande dessinée sur la vie d’une doctorante. Depuis de nouveaux projets ont émergé, mais en attendant l’adaptation libre du roman de François Bégaudeau, La Blessure, la vraie, qu’il voulait réaliser depuis 2010, a enfin pu éclore.

Eté 1994 : Amin (Shaïn Boumédine), apprenti scénariste et photographe vivant à Paris, revient le temps d’un été dans sa ville d’origine, Sète, où il retrouve famille et amis. Il va faire la rencontre de nouvelles personnes, parmi lesquelles deux jeunes femmes, Céline (Lou Luttiau) et Charlotte (Alexia Chardard). Amin semble épris de son amie d’enfance Céline (Ophélie Bau) à l’ouverture du film qu’on découvre en train de faire l’amour avec Tony (Salim Kechiouche), cousin d’Amin qui multiplie les conquêtes comme les mensonges.

L’ensemble de l’œuvre de Kechiche était animé jusque-là par une volonté de dénoncer et de décrypter les processus de domination à l’œuvre dans la société, face auxquels des tentatives d’émancipation cherchaient à poindre. Mais ici le réalisateur se départit de la dimension sociale et politique de son œuvre pour dépeindre une liberté qui n’est pas corsetée par les conflits de classe et/ou de « race ». Souvent le cinéaste franco-tunisien réalise un film contre le précédent, suivant ainsi l’adage truffaldien, et Mektoub s’éloigne ainsi à la fois de la colère sociale qui grondait dans Adèle mais aussi de la forme du roman-fleuve – l’histoire s’étalant sur plus de 5 ans – au profit d’une temporalité resserrée – deux semaines –, bien que le second « chant » nous réserve peut-être des surprises à cet égard.

S’il s’éloigne des enjeux politiques, Kechiche révèle de nouveaux comédiens éclatants d’authenticité.

La tr


Aurélien Gras

Critique, Doctorant en études cinématographiques

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