Littérature

La tectonique du pouvoir – Larnaudie et la génération Macron

écrivaine

Avec Les jeunes gens, l’écrivain Mathieu Larnaudie livre un récit-enquête retraçant l’ascension au pouvoir des élèves de la promotion Senghor, sortie de l’ENA en 2002 et dont Emmanuel Macron fit partie. Derrière la description des parcours, il livre une réflexion sur la manière dont le pouvoir se constitue en France, mais aussi sur la manière dont il s’exprime, dont il se dit, dont il apparaît.

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Tout part d’une image. Les premières pages du livre saisissent, à nouveau, ce que nous, qui avons suivi l’intronisation de l’actuel président de la République française, avons vu : la marche d’Emmanuel Macron, sous les siècles qui, depuis le Louvre, le contemplaient. Face aux caméras de télévision. Sous nos yeux.

Tout part de deux images. Celle du jeune homme en majesté, dans son manteau, seul face aux ors de la République incarnés dans le symbole double et paradoxal de la royauté (le palais et la pyramide de verre, émanation de la volonté d’un président de la République qu’on avait pu, en d’autres temps, comparer au prince de Machiavel). Et l’autre image, une photographie de la promotion de l’ENA baptisée promotion Senghor, reproduite sur le bandeau ceignant le livre, et clignotant comme il faut aux yeux du lecteur. Emmanuel Macron, mais cette fois au milieu de ses pairs, du temps où il en avait encore. Ceux-là mêmes qui viendraient irriguer les veines du pouvoir économique, étatique, décisionnel et médiatique de leur sang neuf.

Le livre de Mathieu Larnaudie, impeccablement intitulé Les jeunes gens, tient tout entier dans l’écart entre ces deux images. Écart symbolique, écart géographique. Écart temporel. Il observe le maillage d’une image à l’autre. La toile sur laquelle les constructeurs impatients de nos destinées se déplacent aujourd’hui. Il en défait les fils un à un. Car les années qui séparent les deux images sont celles d’une conquête. Comment un bataillon de jeunes personnes plus ou moins bien nées (plutôt plus, évidemment) s’est-il placé à la tête de l’État ? Et comment, ce faisant, est-il devenu l’incarnation idéale de ce que Pierre Bourdieu en avait appelé la noblesse ?

Cette geste moderne de l’ascension des ambitieux est racontée dans un récit où le narrateur, et l’on aurait aussi envie d’écrire le récitant, recompose un paysage. Où se mêlent réseaux, idées, affects, composition sociale, stratégie langagière. Stratégie tout court. Où s’artic


Emmanuelle Lambert

écrivaine, commissaire d'exposition indépendante

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