13 reasons why : des raisons de vivre
Dans sa monographie sur Six Feet under, Tristan Garcia évoque « un réalisme empathique de l’ordinaire » dans laquelle s’inscrirait cette série, tout comme Mad Men ou Breaking bad : « La réussite artistique majeure de ces œuvres nouvelles aura été d’étendre progressivement le cercle de partage d’affects des personnages aux spectateurs que nous sommes, en filtrant tout résidu épique, poétique ou philosophique à l’écusigmoire des sentiments. [1]» La série de Brian Yorker, 13 Reasons why (à la base adaptée du roman éponyme de Jay Asher) participe de ce courant, qui s’ingénie à nous faire sentir ce que ressentent les personnages. Yorker parle d’ailleurs, à propos de son œuvre, d’ «empathie radicale », qui nous exhorte à nous mettre à la place de personnes différentes, sinon opposées, de nous-mêmes.
La première saison de 13 Reasons why était un chef d’œuvre absolu ; ce n’est pas le cas de la seconde. Pourtant, elle est essentielle. Nécessaire : dans le contexte actuel de “Time’s up” aux États-Unis et de MeToo en France, l’équipe de scénaristes a sans doute infléchi le cours de la série. Nécessaire parce qu’à l’heure où les débats sur le patriarcat ou la culture du viol continuent, il n’y avait sans doute pas de meilleure réponse artistique à donner.
C’est sans doute la plus grande série jamais produite sur l’adolescence, avec peut-être, dans un autre registre la merveilleuse Freaks and geeks. Jamais on n’avait montré avec autant d’acuité la cruauté de cet âge, autant que son incandescence. Le romantisme élégiaque qui parcourt la première saison brûle d’une intensité rare. Tout spectateur doué de sensibilité en sera atteint, au plus profond de son âme. L’éternité ne sera pas assez pour panser nos plaies, encore béantes, qui sanguinolent de la douleur de Clay (Dylan Minnette, la grande révélation actorale de la série), personnage masculin principal qui était – et reste – fou d’amour pour Hannah.
La force de la série est aussi de savoir rassembler les publics : d