Art

La double énigme ou la concordance des temps – sur deux expos de Benoît Maire

Critique

À travers son oeuvre – présentée cet été à Bordeaux et à Paris – l’artiste Benoît Maire partage ses questionnements philosophiques avec les visiteurs, en leur proposant des réponses plastiques et esthétiques, dans un univers de chimères et d’objets.

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Benoît Maire est un artiste singulier qui se situe entre la philosophie et l’art. Il « pratique » d’ailleurs les deux en travaillant l’écart qui les sépare et les rassemble. Il nomme cet entre-deux Esthétique dans un renvoi direct mais réinventé de la discipline du même nom. Il s’inscrit ainsi dans une histoire et dans une généalogie. Deux expositions monographiques donnent actuellement à voir ce travail remarquable. La première intitulée Thèbes, a démarré au Capc de Bordeaux au mois de mars et se poursuit jusqu’en septembre ; la seconde Un cheval, des silex vient d’ouvrir à Paris à la galerie Nathalie Obadia. On retrouve dans ces deux expositions ce qui fait la richesse d’une œuvre dont la maturité peut étonner pour un artiste né en 1978 et dont le travail a démarré au milieu des années 2000.

Son œuvre protéiforme se déploie différemment dans les expositions de Bordeaux et de Paris, mais selon un même vocabulaire particulier de formes et d’objets : des tableaux de nuages, des sculptures qui sont des assemblages, des photographies, des films vidéo, des installations, des meubles, des textes et documents, des objets divers récupérés ou fabriqués parmi lesquels dés, coquillages, fossiles, images anciennes, clavier ou souris d’ordinateur… Aucun objet n’est seulement là en soi. Ils sont tous pris dans un tissu historique et syntaxique, un texte qui est une combinaison de signes visuels ou conceptuels. Cet ensemble peut se concevoir selon un double scénario : comme un ensemble d’objets divers qui montre la capacité de l’artiste à investir une multiplicité de medium, ou comme une seule et même syntaxe qui formule dans des lieux différents et selon des configurations variées la problématique qui est la sienne. Le deuxième est plus juste, mais sans doute réducteur, car l’enjeu du travail est multiple. S’il s’agit bien d’une dialectique qui met en œuvre les rapports du visible et du dicible, du voir et du penser, du concept et de l’affect, de la création et de la


Sally Bonn

Critique, Maître de conférences en esthétique (Université de Picardie)