Philosophie

Stanley Cavell, une vie pour la démocratie

Philosophe

Réaliser la figure – apparemment impossible – d’un intellectuel américain, alliant l’inventivité conceptuelle à l’exigence démocratique de réalisation de soi et de fidélité à sa pensée : telle était l’ambition du grand philosophe Stanley Cavell, disparu le 19 juin à l’âge de 91 ans et auquel l’une de ses étudiantes, amie et traductrice rend ici hommage.

Il est étrange de ressentir un tel sentiment de perte à propos d’un philosophe dont l’œuvre est depuis longtemps achevée ; une oeuvre qui est désormais un « classique » contemporain, car l’œuvre de Stanley Cavell (1926-2018) est une des quelques grandes du XXe siècle, et en résume admirablement et très singulièrement  l’apport philosophique. La perte s’explique parce que Stanley Cavell était un penseur si « personnel » qu’il est encore difficile de distinguer son écrit et sa voix, sa personne, parce qu’il était le penseur même de la voix, celle qui porte le langage, qui est signe de vie et d’intelligence, expression du soi.  On a insisté ces derniers jours, en France et aux Etats-Unis, sur le génie éclectique de Cavell, les différents objets qui ont été les siens (Wittgenstein, Austin, Shakespeare, Beckett, le cinéma hollywoodien, le romantisme américain d’Emerson et Thoreau, le modernisme en art). Mais il faut garder en tête ce qui est réellement le moteur de son œuvre, l’ambition de réintroduire la voix humaine en philosophie (et au sein même de la philosophie analytique, tradition dont il est parti), de faire reconnaître en philosophie le fait que le langage est dit, par une/des voix humaine dans un contexte social.

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Ce projet se double de la volonté de faire entendre une voix philosophique  américaine, faisant écho à celle de Ralph Waldo Emerson, fondateur de la figure de « l’intellectuel américain » (c’est ainsi qu’on peut traduire approximativement le titre de sa conférence « The American Scholar »).  Cavell ne l’aurait pas exprimée en ces termes mais son ambition était bien de réaliser la figure – apparemment impossible – d’un intellectuel américain, alliant comme Emerson inventivité conceptuelle et  exigence démocratique de réalisation de soi et de fidélité à sa pensée.

Au moment de boucler en 1969 son premier livre, Must We Mean What We Say ? (Dire et vouloir dire, Le Cerf, 2009) où il est question de langage, de théâtre, de scepticisme, de modern


[1] Voir S. Laugier, « Les séries télévisées : éthique du care et adresse au public », Raison publique, 2009, pour la dimension perfectionniste des séries ainsi que les chroniques :

http://www.liberation.fr/auteur/6377-sandra-laugier

[2] voir « Start », dernier épisode de la série The Americans. http://www.liberation.fr/debats/2018/06/21/des-adieux-de-saison-pour-the-americans_1660963

Sandra Laugier

Philosophe, Professeure à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Notes

[1] Voir S. Laugier, « Les séries télévisées : éthique du care et adresse au public », Raison publique, 2009, pour la dimension perfectionniste des séries ainsi que les chroniques :

http://www.liberation.fr/auteur/6377-sandra-laugier

[2] voir « Start », dernier épisode de la série The Americans. http://www.liberation.fr/debats/2018/06/21/des-adieux-de-saison-pour-the-americans_1660963