Une exigence de respect, Aretha Franklin
Quand au lendemain de la mort d’Aretha Franklin, Donald Trump s’est fendu d’un saugrenu « elle a travaillé pour moi » en guise d’hommage, beaucoup se sont demandé à quoi diable le président américain voulait faire allusion. En l’occurrence aux concerts que la chanteuse avait donné lors de l’inauguration d’établissements, l’un à New York l’autre à Atlantic City, dont il est propriétaire. Sauf que formulés dans cette situation funèbre, les mots étaient pour le moins mal choisis, indélicats. Insultants même. Donnant l’impression gênante qu’il saluait là une ancienne femme de ménage. Un peu comme s’il avait dit « Conchita faisait du bon boulot. Avec elle tout était nickel dans la maison, des casseroles à la cuvette des chiottes. Elle va nous manquer. »

Aretha n’a pas à proprement parlé « travaillé » pour Trump, elle a juste été engagée dans des salles lui appartenant pour faire son métier de chanteuse. Nuance. Il y a pourtant un avantage avec la pétomanie cérébrale dont Trump est spécialiste, c’est qu’aucun filtre n’existe entre ce qu’il dit, ou tweet, et son inconscient. Si bien qu’on a surtout retenu de cette impayable sortie le rapport de subordination qu’il induisait. Dans son esprit, Aretha Franklin était bel et bien son employée noire, lui son patron blanc.
Aretha Franklin fait partie de ces artistes, avec Mahalia Jackson, John Coltrane, Charlie Parker, Billie Holiday et d’autres, qui en leur temps ont forcé le respect de nombre de concitoyens blancs.
À sa décharge reconnaissons qu’il avait au même moment la tête trop accaparée ailleurs pour s’éviter la faute de goût. Rendez-vous compte, plusieurs réseaux sociaux venait d’interdire leur accès à Alex Jones, fondateur du site Infowars, facho conspirationniste notoire accusé, par Facebook, de « glorifier la violence » et d’« utiliser un langage déshumanisant pour décrire les personnes transgenres, musulmanes et immigrées. » De quoi déclencher l’ire présidentielle, aussitôt déversée dans une bordée de tweets rageurs