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Goliarda Sapienza, le doute comme principe d’écriture

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Plus d’une quarantaine de cahiers et près de huit-mille pages, pendant vingt ans Goliarda Sapienza a couché sur papier ses pensées quotidiennes, pour une œuvre désormais considérée comme majeure de la littérature italienne contemporaine. Une sélection de ces Carnets vient de paraître en Français, qui montre l’importance du doute, l’impossible renoncement à une totale liberté intellectuelle et un engagement absolu dans une écriture du désengagement dogmatique.

Cette année 2019 s’ouvre avec la publication des Carnets de Goliarda Sapienza, dont des extraits ont été diffusés ici même au début du mois de décembre dernier et qui sont le produit d’une sélection opérée parmi quelques 8 000 pages de notes écrites entre 1976 et 1996. Cette publication marque une nouvelle étape du patient travail d’édition d’une œuvre vaste et riche, sauvée par les soins d’Angelo Pellegrino. Largement ignorés de son vivant malgré quelques succès tels que L’Université de Rebibbia, ces écrits ont refait surface au tournant des années 2000 grâce à la ténacité de celui qui a partagé les vingt dernières années de sa vie.

En France, la traduction d’orfèvre de Nathalie Castagné et le soutien de l’éditrice Viviane Hamy ont permis à L’Art de la joie, magnum opus auquel l’écrivaine a été « rivée » de 1967 à 1976, de rencontrer enfin – après avoir été ignoré en Italie – un succès digne de la profondeur de cette œuvre essentielle, charnelle et solaire. C’est désormais Le Tripode qui s’emploie à publier ses œuvres complètes, auxquelles viennent aujourd’hui s’ajouter ces Carnets dont l’éditeur insiste à juste titre sur leur complémentarité avec le récit central d’une œuvre intensément vivante.

Les Carnets s’ouvrent en 1976 après l’achèvement de L’Art de la joie, cet enfantement d’une décennie duquel a émergé Modesta, fille de chair et d’esprit d’une Goliarda qui gardera toujours la « tristesse mortelle » de n’avoir pas eu d’enfant. C’est Angelo Pellegrino qui la pousse à entamer ce journal, en lui offrant le premier des innombrables carnets qui seront le support d’une habitude d’« écrire pour soi-même » à laquelle elle va peu à peu prendre goût. Après son séjour à la prison pour femmes de Rebibbia, Goliarda Sapienza interrompt son journal entre 1980 et 1988, près de huit années durant lesquelles elle se consacre à l’écriture de L’Université de Rebibbia, Rendez-vous à Positano et Les Certitudes du doute. Malgré cette coupure, les quatre cent cinquante pages de


David Guilbaud

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