Le triomphe des gueux – à propos de Serfs Up! de Fat White Family

« The bitch is dead », « The witch is dead », « La salope est morte », prudemment remplacé par « La sorcière est morte » lorsque les photographes des tabloïds anglais ont débarqué. C’était une banderole qui claquait au vent sur un pub désaffecté du sud de Londres, dans les quartiers agités de Brixton, le 8 avril 2013. Une banderole peinte à la main, avec de la peinture sans doute volée sur un chantier : s’ils n’avaient pas trouvé de peinture, de toute façon, les enragés derrière ce message l’auraient barbouillé avec leur propre sang. Ils avaient grandi contre elle, s’étaient bâtis contre sa politique de l’exclusion. Ils lui devaient leur exaspération, leur engagement politique, leur frustration. Ils s’étaient, malgré leur jeune âge, déterminés en fonction d’elle, pierre angulaire de leur rock patraque, explosif, dangereux. Ils devaient bien à Margaret Thatcher, qui venait ce jour-là de passer l’arme à droite, toujours plus à droite, cette banderole aussi potache que viscérale. On ne dira jamais assez à quel point Margaret Thatcher, à son corps défendant, horrifié, a fait du bien au rock anglais pendant son règne, de l’after-punk (1979) à la débauche des années Madchester (1990).
Pour toute une génération, particulièrement grandie dans le sud de Londres, cette banderole devient alors étendard. Les squatteurs du pub et peintres de son slogan jouent déjà dans le quartier sous le nom de Fat White Family. Ils écument depuis des mois toutes les salles du coin, prenant soin de faire de chaque concert une performance unique, un social event comme on dit en Angleterre, en oubliant souvent la dimension sociale à laquelle tiennent tant Lias Kaci Saoudi et Saul Adamczewski, les deux plus fortes têtes d’un groupe pourtant bien équipé en têtes de lard. Prix d’entrée modique, obligation de partager la scène avec des groupes du coin, invitation d’activistes, annonces surprises sur les réseaux sociaux : les concerts de Fat White Family attirent d’entrée un jeune public qui découvre