Littérature

Désirs subversifs – à propos d’Une fille facile de Rebecca Zlotowski

Critique

Avec Une fille facile, Rebecca Zlotowski signe un film aussi intelligent qu’ouvert dont principale force consiste à faire flotter voire exsuder un trouble des sens et, plus encore, du sens. Une œuvre qui perturbe ou bouscule nos schèmes de pensée en laissant ouvertes certaines questions posées et subsumées par une Zahia Dehar qui conserve tout son mystère.

D’Une fille facile, d’aucuns semblent n’avoir vu qu’une volonté de montrer le hiatus possible entre apparence et intériorité. Pourtant, le film est un peu plus complexe. S’il n’est pas le chef d’œuvre espéré, la pensée qu’il distille est tout à fait stimulante. Il faut dire que le cinéma de Rebecca Zlotowski est gorgé d’intelligence ; trop peut-être. Zlotowski a réalisé un parcours scolaire exemplaire : normalienne, agrégée en lettres modernes, avant de se tourner vers la FEMIS section scénario.

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La thèse de doctorat qu’elle avait entamé avait pour objet la rencontre amoureuse dans le cinéma documentaire. Or son cinéma en porte la trace. Dans ses trois long-métrages précédents, déjà, il s’agissait (entre autres) à la fois de raconter une histoire d’amour (ou uniquement érotique) et de documenter un milieu. Belle Epine évoquait la relation de Prudence (Léa Seydoux) avec un jeune motard, dont le monde nocturne, dangereux, était décrit. Grand central, plus réussi, était aussi plus sentimental ; il proposait une analogie entre l’amour-passion de Gary (Tahar Rahim) et Seydoux, et le danger lié aux radiations de la centrale nucléaire, milieu dans lequel il se plongeait. Planétarium, plus romanesque dans son mille-feuilles narratif et son déploiement temporel, portait sa romance un peu en sourdine pour mieux la faire ressurgir in fine, et la mailler subtilement avec les déboires de l’Histoire, tout en s’intéressant au monde du cinéma des années 30 et à sa rencontre avec le spiritisme.

Dans chacun de ces films également, la structure narrative n’est jamais vraiment classique, tant elle chemine librement, s’octroie des virées inattendues, s’autorise des stases ; ce sont des récits à tiroirs qui miroitent un écheveau, un entrelacs de possibilités. Son dernier film, Une fille facile, épouse davantage une ligne claire du récit. Mais à l’intérieur du squelette narratif relativement classique, c’est ici davantage le sens d’un certain nombre d’actions, de comportements e


Aurélien Gras

Critique, Doctorant en études cinématographiques

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