Cinéma

Objectif père – à propos de Ad Astra de James Gray

Journaliste

De James Gray, auteur intellectuel et cultivé « à l’ancienne », on n’attendait guère un « space movie ». Ad Astra s’avère plus qu’une bonne surprise : une splendeur. Le contexte galactique n’ayant pas empêché James Gray de demeurer fidèle à ses obsessions et de raconter comme toujours la même histoire : celle de fils qui font tout pour se faire aimer par leur père, ce « tout » n’étant cependant jamais assez aux yeux de leur géniteur impitoyable et pitoyable.

Dans l’espace, personne ne vous entend crier « moteur ! ». Et pourtant, c’est bien vers le ciel que se dirigent de plus en plus de cinéastes ces dernières années, comme le symptôme d’une angoisse terrienne plus ou moins diffuse, activée par toutes les crises additionnées (sociale, politique, écologique, économique…), mikado de problèmes enchevêtrés qu’on on ne sait plus par quel bout prendre. À l’horizon plus si lointain, la possibilité d’une extinction de l’humanité… Versant blockbuster ou auteuriste, on a ainsi pu voir récemment Interstellar de Christopher Nolan, Seul sur Mars de Ridley Scott, Gravity de Alfonso Cuaron, First man de Damien Chazelle, High life de Claire Denis ou encore dans quelques semaines, Proxima d’Alice Winocour, sans oublier les retours récurrents des increvables franchises comme Star wars ou Alien.

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Entre questionnements intimes (Interstellar, First man, Proxima…), parfum plus ou moins prégnant de collapsologie (Interstellar encore, Seul sur Mars, High life…) et idéal d’une esthétique de la fluidité et de l’apesanteur (Gravity), les cinéastes semblent rêver, fantasmer, s’inquiéter, s’enquérir au-delà des limites d’une Terre soudainement trop exiguë, fracturée, malade, et où s’impose la conscience de la finitude. La nouveauté, c’est que l’espace ne concerne plus seulement les habituels chefs de chantier des super-productions hollywoodiennes (Nolan, Scott, Cuaron…) mais également des auteur-e-s plus coutumier-e-s de petits budgets (Denis, Winocour, honneur aux Françaises) parmi lesquels on classera également James Gray – dont les productions sont certes cossues à l’échelle française mais tout petit bras à l’aune de la démesure technologique et financière des grands studios.

À vrai dire, de la part de ce cinéaste plus admiré en France que dans son propre pays, véritable cinéfils du Nouvel Hollywood, admirateur de Coppola, Scorsese, Cimino ou Visconti, mais aussi de la Nouvelle vague française et de la littérature russe, de cet auteur


Serge Kaganski

Journaliste, Critique de cinéma

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